Mathis Collins, « Mime » - Ressources pédagogiques

Biographie

Mathis Collins

Né en 1986 à Paris
Vit et travaille à ParisReprésenté par la galerie Crèvecoeur à Paris

Mathis Collins a réalisé ses études d’art entre Cergy, Metz, Montréal et Bruxelles avant de participer à Open School East à Londres. Sculpteur et performeur franco-canadien, il organise des ateliers collectifs et des manifestations publiques autour d’objets ou de pratiques artisanales populaires et grotesques qui tentent de repenser les modes d’exposition des arts populaires. Les sujets et les matériaux explorés dans son œuvre vont de la récolte du chêne-liège à l’ornementation d’une bouteille d’alcool, du guéridon de café à la chaussure de clown, des bas-reliefs polychromes aux Poulbots de Paris, de la caricature du Second Empire aux méthodologies d’éducation artistique expérimentales contemporaines.

Ses œuvres ont été montrées au Palais de Tokyo, au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, à la Fondation Lafayette Anticipations, Paris, à la Friche Belle de Mai à Marseille, à la Rijksakademie d’Amsterdam, à 1m3 à Lausanne et à Longtang, Zürich.

Paul Collins

Né en 1955 à TorontoVit et travaille à ParisReprésenté par General Hardware Contemporary (Toronto)

Paul Collins a étudié à l’Université de York et à la New School of Art de Toronto. Sa pratique pluridisciplinaire alterne et combine la peinture, l’imprimé et la musique. À Toronto, il a travaillé au Coach House Press, exposé au Museum of Contemporary Canadian Art, A Space, YYZ, Mercer Union et il a joué de la musique improvisée et post punk à la Cabana Room du Spadina Hotel. Il a contribué à Only Paper Today et a co-fondé Permanent Press sur Mercer Street. Il a exposé au Musée des Beaux-arts de l’Ontario pour l’exposition « Canadian Art in the 1960s and 1970s through the lens of Coach House Press. » 2009.  Il s’est installé à Paris en 1982, où il a exposé et donné des performances à la Fondation Cartier, Paris ; au Crédac, Ivry sur Seine ; au Musée des Beaux-arts de Mulhouse ; à l’Artothèque de Caen ; à l’Impasse, Moments artistiques, La Générale (Belleville et Sèvre), aux Instants Chavirés et à Treize à Paris. Dès 1986, il commence à enseigner dans les écoles d’art en France. Actuellement, il enseigne la peinture, l’estampe et la musique expérimentale à l’École supérieure d’arts et média, Caen/Cherbourg. En 2015, il a joué avec The Glenn Branca Orchestra à la Philharmonie de Paris. Son dernier livre d’artiste, Vent : Photographs 1977 – 2017, a été publié en 2016. Son duo, Protocol Warum, a joué au Palais de Tokyo et leur dernier disque est paru en 2017.

Sa musique peut être écoutée sur soundcloud.

Abécédaire

Alfred E. Neuman est l’icône archétype de « Mad Magazine ». C’est un garçon aux cheveux mal peignés au sourire constant, à qui il manque une dent et qui demande : « What, me worry ? », soit « Qu’est-ce que j’en ai à faire ? » Il apparaît sur les couvertures du magazine, dans des situations comiques où il incarne des personnages moqués (déguisements, transformations). Il garde toujours la même expression d’un sourire figé, béat. Alfred E. Neuman peut nous faire penser aux personnages de Mathis Collins, tout particulièrement dans l’œuvre Artiste policier à la fête à neuneu (2020).

Bateleur : artiste forain.e qui fait des tours de passe-passe, monte sur des tréteaux sur la place publique pour pratiquer un numéro. Au sens figuré, c’est une personne qui fait le bouffon en société. Bicorne : chapeau à deux pointes, d’abord porté par les membres de l’armée française durant la révolution, a fait partie de l’uniforme des officiers dans de nombreux pays puis fut ensuite un couvre-chef masculin standard du XVIIIe siècle. De nos jours, en France, il désigne le couvre-chef des membres de l’Académie française, mais aussi celui des élèves de l’École polytechnique. Burlesque : burlesque vient de l’italien burlesco, venant de burla, « farce, plaisanterie ». Cet adjectif qualifie un caractère comique extravagant et déroutant. « Burlesque » se dit aujourd’hui couramment pour désigner un comique qui repose sur un décalage entre la tonalité et le sujet traité.

Castelet : élément de décor de théâtre de marionnettes servant de cadre à l’espace scénique. Cocarde : insigne souvent rond, de couleurs variées, indiquant un grade, l’appartenance à une nation, une armée ou un parti. Élément souvent porté à la coiffure de militaires ou de hauts fonctionnaires. En France, ce sera l’insigne porté par les partisan.e.s de la Révolution puis par la population entière en signe de ralliement (cocarde nationale, patriotique). Comédie-Française : institution culturelle française fondée en 1680 sous l’ordre de Louis XIV pour faire face aux comédien.ne.s italien.ne.s. Il s’agit du seul théâtre d’État composé d’une troupe de comédien.ne.s permanent.e.s. Commedia dell’arte : genre de théâtre populaire italien né au XVIe siècle caractérisé par des personnages comme Pierrot, Arlequin, Polichinelle, etc. Les acteur.trice.s improvisent selon le caractère du personnage et jouent sur les ressorts de la ruse, de la naïveté, de la caricature. Leur travail réside principalement dans un jeu corporel et de gestes, il.elle.s ont généralement des masques et costumes.

Farce : genre théâtral né au Moyen-Âge, qui a pour but de faire rire et qui a souvent des caractéristiques grossières. Son origine remonte à l’Antiquité gréco-romaine. Par extension, la farce désigne l’acte de se moquer. Foire : manifestation commerciale, attractive se tenant dans une ville ou un village, à un endroit souvent fixe situé en plein air. Une fête foraine est une forme de foire, où des forain.e.s itinérant.e.s se rassemblent et proposent des attractions, jeux de tirs, manèges, etc. Forain, ce qui est relatif aux foires. Désigne également une personne qui exerce son activité sur les foires, les marchés.

Gouge : outil du.de la sculpteur.trice destiné à tailler ou graver dans du bois ou de la pierre tendre. Guignol est une marionnette à gaine française créée à Lyon vers 1808 par Laurent Mourguet. Le terme désigne également par métonymie le théâtre de marionnettes comique dont Guignol est le personnage principal, formant avec Gnafron et Madelon le trio récurrent des pièces du répertoire classique.

Jeu de massacre : type de jeu que l’on retrouve dans les foires. Il s’agit d’un jeu d’adresse où l’on doit viser bien souvent des caricatures de figures connues de tous.tes, telles que des policiers, belles-mères, clowns, guignols, etc. Ces personnages sont représentés avec des têtes grimaçantes – ce qui peut nous faire penser aux masques de la commedia dell’arte. Ils sont généralement sculptés dans des planches en bois de sapin ou de tilleul, puis peints.

Mad Magazine est un magazine satirique américain créé en 1952. Sous une apparence de magazine jeunesse, Mad caricature et se moque aussi bien de la culture populaire américaine que des sujets politiques contemporains. Marionnette : figurine représentant un être humain ou un animal, actionnée à la main par une personne cachée. Il y a des marionnettes à fils, à tige, à gaine. Marotte : désigne tout d’abord le sceptre de la folie, surmonté d’une tête grotesque coiffée d’un capuchon bigarré de différentes couleurs et garnie de grelots. On nomme ainsi par extension les marionnettes dont la tête est fixée sur un bout de bois. Matraque : arme traditionnelle des policiers, c’est un bâton généralement moins long qu’un bras, fait de bois, de caoutchouc, de métal ou de plastique. Mime, du latin mimus « acteur de bas étage », « farce de théâtre », et du grec μῖμος « acteur bouffon », « sorte de comédie». Le mime est employé lors d’un spectacle narratif sans parole, échappant ainsi aux censures liées à l’usage de la parole sur scène au XVIIe siècle.

Neu neu (la fête à) : la Fête de Neuilly- sur-Seine, baptisée également Fête à Neu-Neu, est une fête foraine très populaire par un décret impérial de Napoléon Ier en date du 10 juin.

Palimpseste : du grec ancien palímpsêstos, « gratté de nouveau », manuscrit constitué d’un parchemin déjà utilisé, dont on a fait disparaître les inscriptions pour pouvoir y écrire de nouveau. Palissade : ouvrage fait avec des bois refendus liés les uns contre les autres, et qui constitue une séparation ou un rempart. Passe-boule : jeu sous forme de panneau de bois, sur lequel est peint ou sculpté un personnage avec une bouche démesurément ouverte, destinée à recevoir les boules que lance un.e joueur.se. Photogravure : ensemble des techniques permettant d’obtenir, à partir de la photographie et par des moyens mécaniques ou électroniques, des planches gravées (clichés) destinées à l’impression typographique. Phylacteres : un phylactère est, à partir de l’art chrétien médiéval, un moyen graphique semblable à une petite banderole, sur laquelle se déploient les paroles prononcées par le personnage dépeint. Par extension, ce sont les bulles des bandes dessinées qui attribuent des paroles ou des pensées aux personnages. Pierrot, en italien « Pedrolino », personnage de la commedia dell’arte. C’est un jeune valet rêveur et poétique. Son costume comprend une veste blanche à gros boutons sur le devant – souvent noirs ou blancs – une fraise, et un chapeau avec un flot de rubans. Cette figure est jouée sans masque, le visage enfariné. « Pedrolino » deviendra le personnage de référence dans les pantomimes françaises. Polichinelle : en italien « Pulcinella », personnage de la commedia dell’arte. Il représente souvent un valet d’origine paysanne, rusé, grossier, disgracieux et spirituel. Vêtu de blanc, il est caractérisé par son masque avec un nez en bec de corbeau, sa bosse, son gros ventre et son imitation du cri des oiseaux. Le personnage de Polichinelle se développe au-delà de la commedia dell’arte et deviendra un protagoniste des théâtres de marionnettes. Poulbot : mot dérivé du nom du dessinateur français Francisque Poulbot (1879-1946). Affichiste du début du XXe siècle, il représentait de manière humoristique les enfants des rues de Paris, en particulier de Montmartre. Ce terme désigne par extension les « gamins » de Paris.

Slapstick : terme anglais qui signifie « bâton claqueur » en français. C’est un genre d’humour impliquant une part de violence physique volontairement exagérée. Ce bâton est inoffensif mais très sonore et renforce l’effet des coups portés, il est inspiré du « battocchio » des bateleurs italiens.

Teinte à bois : produit visant à colorer plus ou moins densément le bois. Typographie : désigne les différents procédés de composition et d’impression utilisant des caractères et des formes en relief.

Univers : police d’écriture dessinée en 1957 par Adrian Frutiger à destination des premières machines à écrire de la marque IBM.

Vernaculaire : qualifie ce qui est propre à un pays, à une population, ce qui a trait au local.

La fête foraine, véritable phénomène social

-- Bref historique de la fête foraine

Les fêtes foraines trouvent leur origine dans les foires, espaces privilégiés d’échanges qui deviennent au XIXe siècle des lieux festifs de divertissement. La Révolution française insuffle un esprit libre et laïc aux manifestations populaires succédant aux fêtes religieuses, puis la révolution industrielle entraîne des déplacements massifs des populations rurales vers les grandes villes. De ces mouvements d’urbanisation, déracinant des populations locales depuis longtemps établies, résulte la perte de valeurs traditionnelles. Ce vide sera comblé par de nouvelles idées laïques basées sur la modernité. C’est la naissance de la fête foraine, véritable phénomène social.

Produits de la société moderne, ces endroits festifs véhiculent une nouvelle idée du bonheur, en lien avec la notion de progrès qui fleurit au moment de l’ère industrielle entre 1850 et 1900. La fête foraine est comme une échappatoire à la vie qui se fait rude en ville, pour aller vers un univers de liberté et de rêverie, bien souvent d’excès. Ces lieux hors normes connaissent leur apogée à la « Belle époque », période allant de la fin du XIXe siècle au début de la première guerre mondiale.

Après la seconde guerre mondiale, les fêtes foraines connaissent un déclin car les spectacles jusqu’alors nomades se sédentarisent. Désormais, les manèges à sensations sont au cœur des animations. L’invitation au voyage hors du temps d’autrefois s’est transformée en une aventure physique suscitant des sensations extrêmes.

-- Les sens à l’affût dans les attractions

Pionnier.ère.s dans l’invention de la publicité, les forain.e.s utilisent des techniques pour envouter nos sens. Par exemple, l’ouïe est sollicitée par les voix éloquentes, la musique diffusée ou encore par les bruits des stands de tirs, des roues de loterie ; la vue est excitée par les nombreuses affiches, les lumières étourdissantes, les décors aux torsades et volutes hypnotisantes ; l’odorat est quant à lui stimulé par des senteurs propres à ces lieux, les confiseries telles que les barbes à papa, guimauves et autres pommes d’amour.

Les arts forains, considérés comme un art populaire, sont perméables à tous les courants. Ils se nourrissent à la fois de l’universel et des traditions locales, pourvu que le résultat soit extravagant, excessif et flamboyant, parfois nostalgique. La sculpture, centrale dans les décors, est caractéristique de la surcharge de l’art forain. Toujours figuratives, se jouant de nos sens avec des trompes l’œil, ces sculptures polychromes sont réalisées sur du bois tendre comme le tilleul ou le sapin. On retrouve de nombreuses références à ces éléments dans le travail de Mathis Collins, notamment dans sa technique de sculpture sur tilleul, dans ses compositions denses ainsi que par son style figuratif caricatural – que l’on pourrait rapprocher de l’art brut. À propos des jeux forains auxquels l’artiste fait référence on peut citer cette idée : « Au même titre que les cibles, les massacres sont très proches de l’art brut* ». Les cibles de tir et les jeux de massacre désignent des attractions présentes dans les fêtes foraines.

-- Les arts forains dans le travail de Mathis Collins

L’univers de Mathis Collins emprunte aux arts forains ces deux types de jeux, ainsi que les théâtres de marionnettes. Dans les fêtes foraines, de nombreux stands permettent au public de tenter sa chance en se défoulant et en exerçant son adresse sur des jeux de cibles. Dans Mime, des cibles sont présentes sur toutes les œuvres de Mathis Collins, notamment dans Bicornes (stand de tirs) (2020) qui reproduit le fonctionnement de cibles mécaniques**. Mime convoque également l’univers des théâtres de marionnettes***. Outre ces éléments, Mathis Collins fait référence aux jeux de massacre. Le but varie selon chaque jeu. Par exemple dans le passe-boule****, il s’agit de jeter des balles dans la bouche de personnages caricaturés. L’artiste fait référence à ces jeux dans Artiste policier mime (2020) et dans l’œuvre qu’il réalise avec son père, History of Modern Art (for D. R.) (2020).

Mathis Collins organise des ateliers collectifs et des manifestations publiques autour de pratiques artisanales populaires. De ces moments collectifs naissent des créations qui contribuent à renouveler les arts populaires. Par exemple, en 2018-2019 l’artiste est invité par Lafayette Anticipations pour imaginer des ateliers autour de l’histoire des arts forains. À l’issu de ce travail collectif, deux stands de tirs ont été créés et ouverts au public, le Clash-Boule et le Passe-Boule des Maboules.

*Site internet du musée des arts forains, pavillons de Bercy, http://arts-forains.com/notre-histoire/histoire-de-la-fete-foraine.

**Voir l’article sur le blog Correspondances : « Le bicorne et la cocarde ».

***Voir l’article sur le blog Correspondances : « Théâtre de marionnettes et Guignol ».

****Voir l’article sur le blog Correspondances : « Le bicorne et la cocarde ».

Francisque Poulbot et les poulbots

-- Francisque Poulbot et la pauvreté à Montmartre

Francisque Poulbot (1879-1946) est un dessinateur, affichiste et illustrateur français du début du XXe siècle. Il s’est rendu célèbre par ses nombreuses représentations des enfants de la butte Montmartre. Durant sa jeunesse, Francisque Poulbot fréquente le « maquis » de Montmartre, bidonville parisien où il côtoie la misère des enfants démuni.e.s. En s’intéressant à la pauvreté qui existe dans ces rues parisiennes, Poulbot adopte une posture avant-gardiste pour l’époque. Installé à Montmartre avec sa femme Léona en 1901, ses dessins sont publiés dans la presse dès 1900. Ses créations paraissent dans des journaux humoristiques, sur des affiches, dans des publicités, etc. Attaché à la vie montmartroise, il s’associe à la création de la « République de Montmartre », association d’entraide, en 1920-1921. En 1923, il ouvre Les P’tits Poulbots, un dispensaire rue Lepic qui vient en aide aux enfants nécessiteux de Montmartre. Transformé en association en 1939, cet endroit existe encore aujourd’hui.

-- De Poulbot à poulbot

Mettant en scène des enfants pauvres des rues parisiennes, les productions de Francisque Poulbot deviennent très populaires. Durant la première guerre mondiale, il dessine deux personnages qui deviendront un célèbre couple de poupées : Nénette et Rintintin. Garçons ou fillettes, les personnages qu’il dépeint sont en haillons, l’air rieur, cherchant à s’amuser, mais toujours débrouillard.e.s. Ainsi et par extension, un « poulbot » désigne un gamin de Paris, un titi parisien. Gavroche, célèbre personnage des Misérables de Victor Hugo (1862), deviendra aussi un terme pour désigner un gamin de Paris.

-- La représentation des « poulbots »

Dans les années 1960 à 1980, le terme « poulbot » est largement associé aux illustrations des enfants parisiens pauvres, possédant une large tête sur laquelle se dessine de grands yeux bleus. Cette représentation ne correspond pas à celle de son créateur originel, il s’agit de celle de Stanislas Pozar, artiste connu sous le pseudonyme de Michel Thomas (1937-2014). La célébrité de ces titis parisiens aux grands yeux est telle que les marchand.e.s de ces dessins fleurissent dans les quartiers de Paris. Ces « poulbots » sont devenus un véritable symbole de Montmartre. Dans son œuvre Artiste policier contre Poulbot, Mathis Collins fait référence au nom propre donc à l’artiste Francisque Poulbot. Toutefois, dans cette œuvre les grands yeux scintillants du guignol évoquent l’imagerie populaire des « poulbots » de Montmartre.

Pour voir des images de poulbots, rendez-vous ici.

À pieds d’œuvres

Pour aller plus loin dans l’exploration de l’exposition Mime de Mathis Colins et Paul Colins, retrouvez le dossier pédagogique À pieds d’œuvres, rédigé par Fabrice Anzemberg et Yannick Louis, respectivement professeur d’arts plastiques et professeur d’histoire et géographie, tous deux conseillers relais de la DAAC (Délégation académique à l’éducation artistique et à l’action culturelle) pour le musée des beaux-arts et La Criée centre d’art contemporain.

Le dossier pédagogique est accessible en cliquant sur le lien suivant :

À pieds d’œuvres – Mime

Paroles d’artistes

Mathis Collins présente une nouvelle série de tableaux en bois peuplés de figures comiques et solitaires, alter ego de l’artiste-clown, -éducateur, -flic, archétypes d’une imagerie populaire née dans la commedia dell’arte, les carnavals, les bistrots, la nuit d’aujourd’hui.
Avec lui, Paul Collins expose « History of Modern Art » (2020), un retour sur quelques sources d’une histoire de l’art à la fois personnelle et collective.

Ci-dessous, la parole aux deux artistes et à la commissaire d’exposition Émilie Renard :

Pêle-même d’images « Mime »

Filmographie sur les marionnettes, la fête foraine

Références graphiques chez Paul Collins

-- Paul Collins, des impressions d’écriture

Marqué par son expérience en tant que photograveur, Paul Collins dévoile dans l’exposition Mime son intérêt pour les règles de composition graphique. Toutes les toiles qu’il présente suivent la même logique de reproduction de pages d’ouvrages dans lesquelles il remplace le texte par des bandes de peinture grisées. Depuis ses études à Toronto, Paul Collins cultive une curiosité pour les peintures classiques dans lesquelles on peut voir des éléments de texte signifiés (livre, journal, partition, etc.). Les lettres ne sont pas représentées en tant que telles, c’est seulement l’effet « texte » qui est recherché. Dans ses toiles, Paul Collins reprend l’idée de la trame, propre à la photogravure et l’associe à un système de sérigraphie « DIY ». Il commence par photocopier une page d’un livre (par exemple le manuel scolaire History of modern art) puis il l’agrandit et l’imprime au format de la toile. Il dépose son polycopié agrandi sous une grille de moustiquaire et sur cette dernière, il remplit les zones de textes en peignant des bandes. Ensuite il pose la grille de moustiquaire sur sa toile vierge et il repasse les zones peintes, obtenues par le décalquage des emplacements de texte. La peinture se dépose sur la toile entre les fils de la grille. Il réitère ce geste en décalant légèrement cette même grille. Cette technique confère un effet moiré aux zones peintes sur la toile et créé une sorte d’ondulation. Ce motif est davantage perceptible sur les grands aplats, notamment dans la toile History of Modern Art (for D. R.) (2020), réalisée en collaboration avec son fils Mathis.

-- Basic Typography

Paul Collins choisit de reproduire des pages de l’un de ses manuels de typographie : les pages 84 et 85 qui renvoient à la police Univers. Dessinée en 1957 par Adrian Frutiger, il s’agit d’une fonte sans-serif qui est encore aujourd’hui un classique de la typographie. Univers est une adaptation des caractères plomb destinée à être utilisée par la première machine à écrire IBM. Créée après la seconde guerre mondiale, cette police reflète la volonté de réunification. Réel tournant dans l’histoire de la typographie, elle est conçue pour fonctionner dans toutes les langues – cette fonte devait d’ailleurs s’appeler à l’origine « Monde ». L’une des pages reproduites par Paul Collins est un texte définissant les usages de la police Univers : en anglais, en français et en allemand. Sans avoir accès au contenu textuel, on peut toutefois imaginer à quelle langue correspond chaque bloc de texte.

-- Des normes dans l’art

L’œuvre Les formats (2020) renvoie à un document de référencement de la peinture française utilisé par les marchand.e.s de tableaux. Dans ce document, trois genres sont répertoriés : « Figure », « Paysage » et « Marine ». Pour chaque genre, différents formats sont définis au choix. Paul Collins a reproduit fidèlement la page, avec ses tâches de café, ses traces de marqueur et ses erreurs d’impression (le format 27×16 a été imprimé à l’envers et diffusé comme tel). La page témoigne d’une histoire à la fois personnelle et collective. Les toiles de Paul Collins témoignent de son intérêt pour les questions de transmission de l’information, ses canaux et méthodes.

Références à l’histoire de l’art chez Paul Collins

Pour l’exposition Mime, Paul Collins a produit l’ensemble History of modern art, qui rassemble différentes peintures se référant aux ouvrages qui ont marqué sa formation artistique, débutée dans les années 1970 à l’école d’art de Toronto, puis en tant que photograveur.

-- History of Modern Art

Quatre de ses toiles reproduisent les pages de l’ouvrage History of Modern Art (p. 249, p.344, p.617, p. 624) un livre écrit par H. H. Arnason*, qui a été la référence pour nombre d’étudiant.e.s en école d’art dans les années 1970 en Amérique du Nord. Cet ouvrage retrace une histoire de l’art occidental, depuis la Révolution française jusqu’aux années 1960. Sur ses toiles, Paul Collins représente le texte des pages par des bandes moirées. Les images du livre restent quant à elles reconnaissables.

Les œuvres que l’on peut reconnaître dans cette série sont notamment :

-- Marcel Duchamp (1887-1968), 3 Stoppages-étalon, 1913-64, trois morceaux de ficelle d’un mètre chacun, toile peinte, 28 x 129 x 23 cm chaque panneau

-- Hans Arp (1886-1966), Trois objets désagréables sur une figure, 1930, bronze, 21.5 x 36.5 x 26 cm

-- Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969) et Lilly Reich (1885-1947), Fauteuil Barcelona, 1929

-- Ellsworth Kelly (1923-2015), Derrière le miroir n°149, 1964, lithographie, 38 x 27 cm

-- Bridget Riley (1931), Drift 2, 1966, peinture émulsion sur toile, 232.41 x 227.33 cm

Ces différent.e.s artistes sont représentatif.ve.s des mouvements d’avant-garde qui se sont succédés au XXe siècle en Europe et aux États-Unis. Icône des avant-gardes européennes, Marcel Duchamp a côtoyé les mouvements du cubisme, du futurisme, du dadaïsme, etc. Dans son œuvre, il cherche à s’affranchir des normes de l’art. Hans Arp côtoie les mêmes cercles artistiques, il est à l’origine du mouvement dada à Zurich en 1916. Reproduit sur une toile de Paul Collins, le fauteuil Barcelona a été dessiné par Mies van der Rohe et Lilly Reich, membres de l’École du Bauhaus. Il fait partie des créations emblématiques du mobilier moderne au XXe siècle. Une autre toile fait référence à Ellsworth Kelly dont l’œuvre est associée à l’histoire de l’art abstrait américain de la seconde moitié du XXe siècle. Enfin, on identifie une œuvre de Bridget Riley, artiste anglaise de l’art cinétique – Op Art – des années 1960, mouvement d’expérimentation autour des effets d’optique.

*H. H. Arnason, History of Modern Art : Painting, Sculpture, Architecture, New York, Harry Abrams Inc., 1968.

-- At Five in the Afternoon

Parmi ces références à l’histoire de l’art, un artiste a une place toute particulière pour Paul Collins. Il s’agit de Robert Motherwell (1915-1991) ; Paul Collins reproduit sa toile At Five in the Afternoon (1949) en conservant son titre et en accentuant les effets mécaniques de la copie. Artiste américain, Motherwell est associé à l’expressionnisme abstrait, premier grand mouvement artistique aux États-Unis qui voit le jour après la seconde guerre mondiale. Paul Collins apprécie tout particulièrement le calme qui émane des toiles de Motherwell, souvent composées de noir et de blanc. La peinture de Motherwell fait référence au titre d’un poème de Federico Garcia Lorca (1898-1936),  « at five in the afternoon », qui a également inspiré un poème de Ted Berrigan dont Paul Collins a reproduit la mise en page dans sa toile, at five o’clock in the afternoon (2020). L’artiste révèle ainsi son intérêt pour la peinture abstraite américaine et la poésie concrète. On devine à travers la mise en page des textes moirés de quel type d’ouvrage il s’agit.

Pour découvrir la toile de Motherwell, rendez-vous sur le site du Moma.

Le bicorne et la cocarde

Le bicorne, couvre-chef à deux pointes, est très présent dans l’iconographie de Mathis Collins. Dans la série de tableaux Mime, il se représente lui-même sous les traits d’un artiste-policier coiffé d’un bicorne.

-- La petite histoire du bicorne

Originellement conçu comme un chapeau équestre, l’histoire du bicorne est liée à des enjeux politiques. Au XVIIIe siècle il est le couvre-chef masculin standard et remplace le tricorne. Avant d’être largement associé à l’image de Napoléon Ier et au régime napoléonien, l’usage du bicorne a été institué pendant la Révolution française, arboré d’une cocarde. À la différence de l’usage, le chapeau est porté avec l’une des cornes en avant. Le port en bataille, c’est-à-dire en parallèle des épaules, sera adopté par la suite. Encore aujourd’hui le bicorne fait partie de l’uniforme des officiers dans de nombreux pays. En France il est notamment porté par les élèves de l’École polytechnique, mais aussi par les membres de l’Académie française. Le bicorne est un élément représentatif de l’autorité de l’Etat – dans les institutions militaires ou celles chargées de définir la langue française.

-- Des cocardes aux jeux de massacre

La cocarde* est un disque d’étoffe plissée. Portée à la coiffe des soldats, elle arbore les trois couleurs de la République française ; bleu, blanc, rouge. L’origine de cet insigne remonte aux prémices de la Révolution française, elle est adoptée dès les premiers jours de juillet 1789. La cocarde est tout d’abord de couleur verte**, puis rouge et bleue – les couleurs de la ville de Paris – et enfin tricolore avec l’apparition du blanc – symbole de la Nation et/ou de la royauté. Sous l’Empire, le blanc se trouve à l’extérieur. Il sera placé entre le bleu (au centre) et le rouge (à l’extérieur) définitivement en 1812 ; ordre qui correspond à la cocarde actuelle.

Dans la série de tableaux Mime de Mathis Collins, la cocarde est un motif récurrent. Elle est disposée sur les bicornes et à des endroits où pourrait figurer du texte (papier, phylactère, affiche, etc.). Mathis Collins joue sur l’ambiguïté de la cocarde, dont la forme circulaire composée d’anneaux successifs évoque celle des cibles tricolores dans les stands de tirs des fêtes foraines. L’artiste joue avec la disposition de la cocarde – tantôt en arrière-plan du personnage central, sur lui-même ou encore dans sa bouche. Ce signe est pour l’artiste le symbole de la citoyenneté et de l’Etat.

Dans Artiste policier mime (2020), le personnage évoque la forme d’une tête de passe-boule, un jeu dans lequel on doit lancer une boule dans la bouche démesurément grande d’un personnage. Ce geste suggère la volonté de faire taire ce dernier – ce qui peut faire ici écho à la censure des troupes de théâtre de rue mise en place sous Louis XIV. Sous une autre forme, on retrouve un système de jeu de massacre dans Bicornes (stand de tir) (2020). Les cocardes, actionnées par un mécanisme, tournent derrière les bicornes, attendant d’être les cibles de joueur.se.s éventuel.le.s.

*Cocarde, dérivé de « coq » avec le suffixe –ard. « Coquarde » signifiant au XVe siècle « […]coiffe ornée de plumes de coq ou de rubans ressemblant à une crête de coq redressée. » (Speculum des pecheurs, ap. Ler. De Lincy, Femmes célèbres de l’anc. France, p.518).

**Renvoyant au geste du journaliste Camille Desmoulin qui aurait cueillit une feuille verte pour la placer comme cocarde.

-- Le bicorne de Polichinelle

Pour Mime, Mathis Collins choisit de se représenter en artiste policier. Il joue sur l’ambivalence de son alter-ego en l’associant à la figure de Polichinelle, un personnage querelleur de la commedia dell’arte, toujours coiffé d’un bicorne dans les pièces du théâtre de rue au XVIIe siècle. Dans le tableau Artiste policier danseur de corde ((2020)), il apparait le ventre rond, le nez crochu avec son chapeau. Polichinelle est celui qui ouvrait le carnaval – un espace de fêtes et de liberté, mais il était également celui chargé par le pouvoir, de le clôturer.

Qui est Polichinelle ?

Une figure bouffonne aux airs de Polichinelle, un des plus anciens personnages de la commedia dell’arte apparaît dans les tableaux de Mathis Collins.

Véritable caméléon social, Polichinelle n’a peur de rien et surtout pas des conséquences. Il se place toujours du côté des vainqueurs, même si le triomphe accidentel est son quotidien. Ainsi si Polichinelle a le pouvoir d’ouvrir le carnaval, il porte aussi la responsabilité de le faire cesser. Ce sont les traits de cette personnalité animale et grotesque, duelle dans son rapport au pouvoir qui sont mis en scène dans les tableaux de Mathis Collins.

Quelle que soit l’époque à laquelle Polichinelle est représenté, il est ventru et bossu – le diable l’aurait pris par le dos puis l’aurait laissé tomber par terre -, il porte un masque et  piaille pour attirer l’attention. Il parle en imitant le cri des oiseaux et enfin il marche comme une poule. Cela lui a valu le surnom de « Pullu Galinaceus » puis Pulcinella, du mot latin « poulet ».

Il est :
-- soit fanfaron et lâche ; et de sa voix nasillarde, il excite la bêtise tout en étant fort conscient de la situation. Il paye alors ses dettes à coups de bâtons et divulgue à qui veut bien l’entendre les secrets qu’il ne peut garder.
-- soit entreprenant et vif ; il singe l’intelligence et s’incarne en maître, magistrat ou savant, pour faire en sorte que ceux qui sont en deçà de son rang aient une bonne opinion de lui, tout en étant sûr d’apaiser ceux qui occupent des positions de pouvoir.

Valet d’origine paysanne, Polichinelle descendrait des bouffons Maccus et Bucco, des Atellanes, pièce de théâtre de rue de l’antiquité romaine. De l’un, il aurait hérité l’insolence et la méchanceté, de l’autre l’orgueil et le vice. Absent des représentations du Moyen-Âge, ce personnage est réinventé au XVIe siècle par Silvio Fiorello, comédien qui l’introduit dans les parades napolitaines. Il change alors d’allure : il est vêtu d’une large blouse de toile blanche, serrée au-dessus de son ventre par une grosse ceinture de cuir à laquelle un sabre de bois et une bourse de cuir sont attachés. À son cou, une large collerette molle et sur sa figure, un demi-masque noir. Il porte aussi un bonnet blanc. Il a prospéré sous cette forme dans la tradition de la commedia dell’arte. Polichinelle est avant tout devenu le personnage principal dans le théâtre de burattini, le théâtre de marionnettes napolitain et n’a jamais occupé une grande place dans la littérature dramatique bien que Molière l’ai introduit dans une des entrées de ballets de Psyché en 1671 et dans le premier intermède du Malade imaginaire en 1673 :

« Polichinelle dans la nuit vient pour donner une sérénade à sa maîtresse. Il est interrompu d’abord par des violons, contre lesquels il se met en colère, et ensuite par le guet composé de musiciens et de danseurs. »

Aujourd’hui son nom est synonyme de clown, zouave, pitre ou bouffon dans le langage courant et on retrouve Polichinelle dans les expressions populaires :

« Faire le polichinelle », se comporter de manière bouffonne, de façon déraisonnable, faire le guignol, le pitre, le zouave.

« Mener une vie de polichinelle », faire des frasques, avoir une vie de patachon.

« Un secret de Polichinelle » est un secret bien mal gardé, dont tout le monde connaît la substance.

Théâtre de marionnettes et Guignol

Contourner la censure royale, faire parler des marionnettes

Pour son exposition Mime, Mathis Collins s’est intéressé à la naissance des arts forains et à l’histoire du théâtre de rue, dont le théâtre de marionnettes fait partie. Les œuvres Artiste policier quittant Paris, Artiste policier et le Guignol’s Band et Artiste policier contre Poulbot (2020) font tout particulièrement écho à ce genre théâtral populaire.

-- Le théâtre de marionnettes

C’est notamment suite à la censure décrétée par Louis XIV en 1680 que cette forme de théâtre va se développer. Les troupes de théâtre de rue n’ont plus le droit de dialoguer en français sur scène ; le monopole est confié à la Comédie-Française. C’est ainsi que le théâtre de marionnettes apparaît comme un moyen de contourner cet interdit et de continuer à jouer. Afin de maintenir leur identité secrète, les comédien.ne.s vont actionner à la main ces figurines, à fils, à gaine ou à tige, sans montrer leur visage. Les marionnettes représentent des figures humaines ou animales et portent la voix des acteur.trice.s qui n’ont plus le droit de s’exprimer ouvertement. Théâtre du registre comique, les marionnettes sont le reflet grotesque de personnages connus, tels que des Seigneurs, des évêques, etc. Le spectacle se déroule souvent dans un castelet, élément de décor de théâtre miniature qui permet au.à la comédien.ne de se cacher. Cette structure a également l’avantage d’être mobile : les acteur.trice.s peuvent déguerpir sitôt le signal donné, castelet sous le bras et marionnettes en main. On retrouve cette image dans l’œuvre de Mathis Collins, Artiste policier quittant Paris (2020).

Au XVIIe et dans la première moitié du XVIIIe siècle, des spectacles de marionnettes sont joués à Paris, dans les foires annuelles de Saint-Germain et de Saint-Laurent. Un marionnettiste connu, Pierre Datelin, dit Jean Brioché, importe en France le personnage de Polichinelle et présente ses spectacles sur le pont Neuf. Parmi les pièces jouées, on retrouve des parodies d’opéras où des marionnettes en costumes miment l’action, tandis que des chanteurs, soutenus par quelques instruments, parodient les livrets sur des refrains populaires, alternant allusions grivoises, jeux de mots et humour décalé.

-- La marionnette Guignol

Au XIXe siècle le théâtre de marionnettes connaît un nouveau succès en France grâce au personnage Guignol. Créée à Lyon vers 1808 par Laurent Mourguet, cette marionnette à gaine est inspirée des personnages stéréotypés de la commedia dell’arte, tel que Polichinelle par exemple. À l’image de ce personnage du répertoire italien, Guignol permet à Mathis Collins d’évoquer son double personnage d’ « artiste policier ». À la fois naïf et malin, Guignol est avant tout caractérisé par l’ironie et l’humour, pour lequels les fameux coups de bâton – slapstick – sont une figure récurrente. L’œuvre Artiste policier et le Guignol’s Band (2020) met en scène ce genre de farces. Par métonymie, Guignol désigne plus largement le théâtre comique dont il est le personnage principal, avec Gnafron et Madelon. Si le rire est central dans les pièces de Guignol, la portée de son propos n’en est pas moins politique. Figures au parler populaire, les situations jouées s’inspirent souvent de l’actualité et dénoncent des injustices sociales.

Conflit historique Comédie-Française et commedia dell’arte

Le conflit historique entre la Comédie-Française et la commedia dell’arte

-- Des troupes italiennes aux ressorts burlesques

Genre du théâtre populaire italien, la commedia dell’arte apparaît dans les

années 1550 en Italie. Elle puise ses origines dans la Rome antique et les farces médiévales. Les troupes sont presque toutes itinérantes et voyagent de ville en ville, se représentant sur des tréteaux en plein air ou bien dans des théâtres. La commedia dell’arte est en rupture avec la tradition du texte écrit, les acteur.trice.s improvisent leurs comédies qu’il.elle.s ponctuent d’acrobaties, de chants et de danses. Le jeu se base sur des figures stéréotypes de la société, mises en scène dans des situations burlesques où ruse et tromperie règnent en maître. À l’exception des rôles romantiques, les personnages sont associés à des masques portés par les comédien.ne.s. Le travail des acteur.trice.s réside principalement dans un jeu corporel et gestuel (acrobaties, costumes, etc.) qui met en exergue les traits caricaturaux qu’il.elle.s doivent incarner. Parmi les figures emblématiques on retrouve par exemple Pierrot et Polichinelle – très présents dans les dernières œuvres de Mathis Collins.

 -- Le succès croissant de la commedia dell’arte en France

Ce genre de théâtre populaire connaît un véritable essor à partir du XVIIe siècle, si bien que des figures éminentes réclament la venue de ces troupes dans toute l’Europe. C’est tout particulièrement en France que la commedia dell’arte acquiert une réputation sans pareil. Intégrées à la capitale au milieu du XVIIe siècle, les troupes italiennes ont une véritable influence sur le théâtre français, notamment chez Molière. Dans le même temps, les tensions avec les comédien.ne.s français.e.s, jalousant cet engouement pour la commedia dell’arte, ne cessent de s’accroître. De plus, ces dernier.ère.s bénéficient du soutien des autorités religieuses et politiques qui se trouvent parfois offusquées par les gestes et les propos des acteur.trice.s. En effet, à partir de 1668 les comédien.ne.s italien.ne.s commencent à s’exprimer en français. Parallèlement à la montée de la popularité du théâtre italien, la troupe de Molière gagne aussi en reconnaissance à tel point qu’elle passe sous la tutelle de Louis XIV en 1665 et porte alors le nom de « Troupe du Roi », associée au Palais Royal. La mort de Molière en 1673 fait naître des désaccords entre les comédien.ne.s qui se divisent. Certain.e.s rejoignent l’hôtel de Bourgogne, théâtre parisien de renom, et d’autres tentent de sauver ce qu’il reste de la Troupe du Roi ; il.elle.s se retrouvent à l’hôtel de Guénégaud pour jouer.

 -- Monopole du dialogue pour la Comédie-Française

En 1680, Louis XIV ordonne la fusion des troupes de l’hôtel de Guénégaud et celle de l’hôtel de Bourgogne. Il s’agit de l’acte fondateur de la Comédie-Française. L’union de ces deux troupes est encore aujourd’hui célébrée lorsque, avant chaque spectacle, trois coups sont frappés deux fois sur scène. Le document déclare aussi que la Comédie-Française devient la troupe unique des comédien.ne.s du Roi ; elle jouit désormais du monopole du dialogue en français à Paris et dans ses faubourgs. Une troupe italienne reconnue par Louis XIV subsistait encore sous le nom de Comédie Italienne. Cependant en 1697 les comédien.ne.s italien.ne.s du roi présentent La Fausse Prude, satire de Mme de Maintenon, épouse secrète du Roi. Louis XIV s’empare de ce prétexte comme atteinte à la morale et chasse de sa cour la Comédie Italienne. Désormais plus rien ne se joue sans l’accord du Roi, la censure est de mise. En réponse à cette répression de la parole, les troupes de théâtre de rue se réinventent et ont recours à des tours de passe-passe pour contourner l’interdiction. On retrouve certaines de ces parades dans les gravures sur bois de Mathis Collins : mimes, théâtres de marionnettes et autres funambules peuplent ses œuvres.

Bibliographie et références Mathis Collins

COMMEDIA DELL’ARTE, CARNAVAL

-- Giorgio Agamben, Polichinelle ou Divertissement pour les jeunes gens en quatre scènes, Paris, éd. Macula, 2017.

-- « Le Monde à l’Envers, Carnavals et Mascarades d’Europe et de Méditerranée », MUCEM, 2014 (exposition).


-- « La plupart des « carnavaleux » savent qu’il s’agit d’une fête largement répandue dans le temps et dans l’espace, même s’ils y participent surtout pour se sentir membres de leur communauté. Vécu à la fois comme une fête identitaire et universelle, le carnaval, par ses jeux de masques et de dévoilement, nous parle des sociétés contemporaines. »

-- Joseph de Lafont, Alain-René Lesage, La Querelle des théâtres. Prologue, Théâtre Classique, 1710.

-- Jeanne-Marie Hostiou, « De la scène judiciaire à la scène théâtrale : l’année 1718 dans la querelle des théâtres », Littératures classiques, 2013/2 (N° 81), pages 107 à 118.

 LES CLOWNS et LES MARIONNETTES

-- Jean Starobinski, Portrait de l’artiste en saltimbanque, Paris, Gallimard, 2004.
« Depuis le romantisme, le bouffon, le saltimbanque et le clown, ont été les images hyberboliques et volontairement déformantes que les artistes se sont plu à donner d’eux-mêmes et de la condition même de l’art. Il s’agit là d’un autoportrait travesti, dont la portée ne se limite pas à la caricature sarcastique ou douloureuse. Une attitude si constamment répétée, si obstinément réinventée à travers trois ou quatre générations requiert l’attention.»

-- Sophie Basch, Jean Clair, Constance Naubert-Riser, Didier Ottinger, Mélanie Racette, Jean Starobinski et d’Ann Thomas, sous la direction de Jean Clair, La Grande parade. Portrait de l’artiste en clown, coédition Gallimard--Musée des beaux-arts du Canada, 2004 (suite à une exposition au Grand Palais).

 

COSMOGONIES NOCTURNES et PARISIENNES

-- Laure Murat, Passage de l’Odéon. Sylvia Beach, Adrienne Monnier et la vie littéraire à Paris dans l’entre-deux-guerres, Paris, Fayard, 2003.

-- Francisque Poulbot (1879-1946), illustrateur populaire et fondateur d’un refuge pour les orphelins et les enfants des rues de la Butte-Montmartre vers 1920.
La figure des titis parisiens, des gavroches et des enfants apaches.

 AUTODIDACTES

-- Musée de La Fabuloserie, art d’autodidactes.
« Tout au long de sa vie de créateur et plus encore de collectionneur, l’architecte Alain Bourbonnais s’est interrogé sur la manière de présenter sa collection. Au milieu des années 70, il réfléchit à un lieu qui, à partir de sa collection apparentée à l’art brut et de la nécessité de la mettre en espace, soit à même de rendre compte du caractère hors-normes des œuvres hors-réseaux qu’il collectionne. Ce musée offre un cadre singulier pour une collection hors-normes. »

-- Le « manège » de petit Pierre fait partie du musée.

-- Baptiste Brun, membre du comité de la Criée.
Mots-clés associés à ses domaines de recherche : Art et anthropologie -- Art et psychiatrie -- Primitivisme -- Art brut -- Transferts artistiques -- Art contemporain -- Agentivité de l’œuvre d’art -- Écritures de l’histoire de l’art.

 ART SOCIAL / THÉORIES CRITIQUES

-- Grant Kester, Conversation Pieces, Community and Conservation in Modern Art, California Press Whitney Museum, 2013.
« The artist doesn’t occupy a position of pedagogical or creative mastery (C. Bishop). » (p.151)

-- Tom Finkelpearl, What We Made : Conversations on Art and Social Cooperation, Durham, NorthCarolina : DukeUniversityPress, 2013.

-- Claire Bishop, « The Social turn : collaboration and its discontents », Artforum, fév. 2006.
« All artists are alike. They dream of doing something that’s more social, more collaborative, and more real than art. » Dan Graham (citation en tête d’article).

-- Markus Miessen, The Nightmare of Participation. (Crossbench Praxis as a Mode of Criticality), Sternberg Press, Berlin, 2011.
L’auteur juge l’apport de la participation dans l’art et la politique comme une manipulation et un leurre. « Welcome to Harmonistan ! Over the last decade, the term « participation » has become increasingly overused. When everyone has been turned into a participant, the often uncritical, innocent, and romantic use of the term has become frightening.»

 HISTOIRES -- CONTRE-CULTURE EN FRANCE

-- Michelle Zancarini-Fournel, Les Luttes et les rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours, Paris, La Découverte--Zones, 2016.

-- Guillaume Désanges, François Piron, Contre-cultures 1969-1989 : l’esprit français, Paris, La Découverte, 2017.
« Un sentiment persistant sous-tend cet ouvrage et l’exposition qu’il accompagne : c’est par ses marges que la France a produit ce qu’elle a de meilleur. Au sortir des années 1960 et jusqu’à la fin des années 1980, une génération est marquée par la « pensée 68 », qui mêle toutes les libérations politiques, sociales, esthétiques et de modes de vie, sur fond de crise sociale et économique grandissante. Cette situation paradoxale affecte différentes formes de contre-culture où les arts populaires (rock, bande dessinée, presse, télévision, graffiti, etc.) influent sur les champs plus traditionnels de la culture en les subvertissant. »

L'exposition

Les Correspondants