La Criée centre d’art contemporain s’est régulièrement fait l’écho des crises - écologique, mais aussi postcoloniale, sociétale, des représentations, etc. - qui rythment et affectent notre présent*. Avec Festina Lente (Hâte toi lentement), elle poursuit sur ce chemin et imagine avec les artistes des formes d’adaptations, d’alternatives et de résistances.
Elle le fait avec une conscience aigüe de l’urgence qu’il y a à (ré)inventer des usages durables du monde. Festina.
Elle le fait avec la conviction que pour avancer sur le chemin de la vie bonne, il faut prendre le temps, il faut ralentir. Lente.
Elle le fait en s’arrimant à la notion d’environnement / de milieu, naturel (le Terrestre dont nous faisons partie et qui nous entoure) autant que sociétal et culturel (du local au global, du proche au lointain, des artistes aux publics…).
Elle le fait en arrimant cette notion à celles de paysage et de cartographie, mais aussi de cosmologie, de métamorphoses, de relations, de monde quantique et de poésie.
Il s’agit de se demander comment programmer, comment agir dans un centre d’art en respectant et prenant soin de celles, ceux et ce qui nous entourent ? Quelles modalités d’écoute et de relation sont à mettre en place pour cela ?
Ce nouveau cycle présentera des artistes portant les voix de pensées de l’environnement plurielles. Il cherchera à donner voix aux non-humains, aux vivants et non-vivants, aux non-parlants qui pourtant disent beaucoup.
Il s’intéressera également aux apports de la modernité et de la société technologique et montrera ainsi des artistes dont l’approche environnementale est nourrie par les avancées techniques et scientifiques les plus actuelles. Si les artistes de Festina Lente sont poreux aux savoirs venus d’autres domaines — vernaculaires, anthropologiques, scientifiques, etc. — elles et ils se situent pour autant résolument du côté de l’art et des expériences que celui-ci propose. Du côté de l’art, c’est-à-dire cette puissance de renouvellement de nos sensibilités, de nos modèles, de nos pensées et de nos imaginaires.
La programmation de Festina Lente se déclinera sous forme d’expositions, d’évènements, de rencontres, de recherches, d’éditions et de résidences. Une revue, nourrie par un comité scientifique, viendra multiplier les points de vue et prolonger les questions soulevées par les expositions.
Par ailleurs, et c’est un point important, l’attention à l’environnement se déclinera dans toutes les actions quotidiennes du centre d’art : dans la production des œuvres et des expositions, dans sa communication, dans ses actions de transmission. L’équipe de La Criée est sensibilisée depuis plusieurs années à ces problématiques. Elle a commencé à développer des connaissances et des usages et elle prendra appui sur ce nouveau cycle pour, en lien et en dialogue avec les initiatives locales comme de ses pairs, approfondir son apprentissage et développer une expertise et une méthode de travail.
Sophie Kaplan, juillet 2023
* En 2015, les journées d’études imaginées par l’artiste Yves Chaudouët et La Criée, qui répondaient au titre programmatique de L’art racine, invitaient artistes et chercheur·ses en sciences et en humanités à penser l’art et la société en symbiose avec les lichens, les araignées, les fougères et les montagnes. Elles pointaient également le pouvoir d’agir de l’art dans la société. En 2021, au sortir de l’œil de la pandémie, l’exposition Molusma d’Elvia Teotski a accueilli des insectes dans des arches de terre posées sur le sol gris du centre d’art, dans une tentative de relier l’art et ses usagers au reste du vivant, avec lequel ils partagent un monde abîmé.