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Jean-Luc Moerman

Jean-Luc Moerman, vue de l'exposition Jean-Luc Moerman, La Criée centre d'art contemporain, Rennes, 2004 © Benoît Mauras

peinture murale, installation éphémère in situ

Si le travail de Jean-Luc Moerman prend pour point de départ une pratique quotidienne et systématique du dessin dans son atelier, celle-ci agit ensuite par implosion et contamination.

Le motif, tel un organisme vivant, se répand pour investir et explorer de multiples supports (toiles, murs, stickers, images de magazines). Au centre d’art de La Criée Jean-Luc Moerman a réalisé in situ une peinture murale qui se déploie à travers tout l’espace, court sur les murs, dégouline au sol, remonte le long de la baie vitrée. A partir de ce « décor » (terme ici emprunté au graffiti) il recontextualise, en les superposant, différentes productions, déclinaisons de sa pratique du dessin et de la peinture (peinture sur toile ou sur panneau en aluminium, découpes de miroirs…). Les toiles semblent explorer l’infiniment petit de ces hybrides aux couleurs éclatantes et fluorescentes, tandis que les miroirs opèrent un renvoi vers l’espace opposé. Le dialogue est continu, l’architecture agit comme un moule dans lequel s’adapte la peinture, qui en retour soumet l’espace, l’étire, aplatit ses angles, accentue ses déformations et ses perspectives. Faisant face au centre d’art, Jean-Luc Moerman a transformé le lampadaire central de la place Honoré Commeurec en totem, installation colorée lumineuse et véritable point de ralliement sur lequel toute personne peut venir y appliquer des stickers. La résidence de l’artiste à Rennes s’est également accompagnée d’une collaboration avec la Maison de Quartier de Maurepas pour réaliser une peinture murale avec des adolescents du quartier dans l’espace commercial.

Ne s’enfermant dans aucune catégorie esthétique, étiquette historienne ou champ d’intervention prédéterminé, Jean-Luc Moerman privilégie la fonction sociale de l’artiste comme passeur, traducteur d’une vision et interlocuteur. Un rôle qui le conduit à mettre en relation, en communication plutôt qu’à fractionner, soustraire. Son travail ne s’arrête pas à l’espace d’exposition, il maintient en permanence un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur, l’espace d’art et l’espace urbain. Sur un plan formel, les motifs se développent comme un langage composé de signes, de logos, une sorte d’écriture systématique et spontanée qui l’incite à repousser constamment les frontières de la peinture. Ses références sont multiples et n’appartiennent pas toujours au domaine des arts plastiques. Il puise autant dans l’univers des comics américains, du manga, dans la culture urbaine du graff et du hip hop, ou dans les pratiques ancestrales du tatouage. Un métissage qu’il retranscrit à travers un univers métaphorique du vivant : des formes qui émergent, se développent et prolifèrent pour ensuite disparaître.

Alexandra Gillet

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