Sans titre

Sébastien Reuzé

tirage photographique couleur, 100 x 150 cm

Les photographies de Sébastien Reuzé recèlent une part de mystère – un secret de fabrication qu’il appartient au spectateur non pas de résoudre, mais d’interpréter. « L’image doit être reçue non pas seulement comme information, mais comme ouverture vers de nouveaux possibles » Sébastien Reuzé.

Sans titre est une photographie dont les qualités intrinsèques relèvent davantage du geste pictural que d’une saisie du réel : sa composition, l’importance accordée au travail de la couleur, traitée en aplat ou par superposition, et la place laissée à l’accident, une part non maîtrisée de l’acte. Ce qui est donné à voir ne peut être déterminé. Un objet fulgurant, la fugacité d’un mouvement, d’une lumière, un non-lieu entendu dans le sens développé par Marc Augé*, comme espace transitoire.

Alexandra Gillet

* Non-lieux, Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Seuil, Paris, 1992 (collection La librairie du XXIe siècle)

« Surgissent alors les inévitables rapports qu’entretient la réalité avec l’image photographique. Sébastien Reuzé photographie ce qui lui est quotidien, ce qui appartient à sa propre réalité de vie : la ville, les voyages, les rencontres. Il y a bien prise de la réalité. Mais partant de là, il est impossible de qualifier ses photographies comme appartenant au genre du documentaire ou de l’autobiographie. Sébastien Reuzé fabrique une photographie de l’interstice, de l’entre-deux où se produit un soulèvement du regard dans la réalité. Soulèvement au sens de contemplation et de résistance. Contemplation car la photographie de l’artiste propose au spectateur, non pas une vision objective de la réalité, mais une attention flottante aux bruissements du vivant. Puisque la photographie enregistre mécaniquement la réalité sans voir, Sébastien Reuzé décide d’y introduire des filtres semblables à ceux du rêve. Un de ces filtres procède d’abord d’une déposition du regard sur les manifestations du monde et d’un glissement visuel vers autre chose. La déposition du regard n’est pas un voir sans voir, c’est un voir qui se dessaisit d’un visible qui signifierait absolument la réalité. Un voir propre à l’artiste qui procède par légers décalages […]. L’autre filtre réside dans l’usage de moyens plastiques qui sont aisément décelables, comme les accentuations chromatiques qui baignent le panorama de la réalité d’une légère dominante rouge ou bleue, ou comme l’animation sur écran LCD de vues aériennes de différentes villes illuminées la nuit. Ces outils plastiques, s’ils peuvent produire une séduction esthétique, délivrent aussi une matérialité à l’image, c’est-à-dire qu’ils dévoilent sa propre construction visuelle en tant que photographie à la fois ancrée dans et décalée de la réalité. »

Larys Frogier, Sébastien Reuzé, Constellations, La lettre volée, Bruxelles 2002

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