En 1908, Sigmund Freud met en évidence trois traits de caractère que l’on retrouve dans la névrose obsessionnelle : l’amour de l’ordre, le souci d’économie et l’entêtement. Yann Lestrat en stigmatise les troubles dans un objet édité à 200 exemplaires – Nevroz – une sphère blanche brillante dans laquelle a été inséré un niveau à bulle. La tension qui se crée entre le niveau – qui exacerbe l’idée d’équilibre- et l’inaptitude de la sphère à maintenir cet équilibre en fait un objet de frustration. L’œuvre démontre avec une évidence et une efficacité implacable l’illusion de l’action, et l’absurdité de cette recherche d’absolu.
La définition de l’obsessionnel par Charles Baladier permet de pointer un des aspects qui fonde toute l’ambivalence de l’œuvre. » Maître dans l’art d’annuler, de déplacer, de nier, d’amortir les plus indéniables intentions agressives, [l’obsessionnel] ne réussit aussi bien à se mettre à l’abri du moindre désir et de la moindre responsabilité que parce que tout cela, selon lui, ne peut avoir pour horizon que la mort, la mort qui le regarde de ses yeux de bitume ». Paradoxalement, dégagé de toute fonctionnalité, Nevroz apparaît comme un objet peu inquiétant, purement esthétique. N’est-ce pas là que réside la perversité (ambiguïté ? ?perversité est peut être trop fort) et l’ironie de l’œuvre ?
Alexandra Gillet
« L’ensemble de mon travail de plasticien s’articule autour d’une réflexion sur la notion d’équilibre psychique, individuel ou collectif. Cette démarche s’est initiée avec une série de travaux développés autour de la symptomatologie propre à la névrose obsessionnelle, introduction à une interrogation sur les rapports réels ou supposés entre l’art et les maladies mentales. Au fil des réalisations, le champ d’évolution s’étend à la construction d’un regard appliqué à l’observation et à la compréhension des structures concrètes ou mentales constitutives des sociétés modernes, incluant le fonctionnement et les effets sur les individus des différents systèmes normatifs en vigueur. »
Yann Lestrat