Dans un cercueil

Farid Redouani

Farid Redouani, Dans un cercueil, vue de l'exposition Ouvertures algériennes, créations vivantes, La Criée centre d'art contemporain, Rennes, 2003, photo : Benoit Mauras

huile sur bois, 300 x 25 cm

« Une des premières approches picturales de Redouani consiste à utiliser des panneaux de bois rectangulaires, très étroits et allongés, sur lesquels le peintre intervient pour remplir l’espace d’un corps amaigri, décharné et dépeint sans aucune fioriture.

La figure se tient à la verticale, face à notre regard, offrant son dépouillement plutôt que la plénitude de sa chair. Elle occupe tout l’espace du tableau mais, paradoxalement, elle n’impose rien d’une monumentalité envahissante. Ce qui intrigue également, c’est l’usage d’une couleur dominante comme le bleu ou le rouge. Froide ou chaude, la couleur demeure invariablement pâle du fait d’une sous-couche blanche qui transparaît au travers de la couleur dominante, tenant davantage à distance le spectateur hors de cet espace trop exigu. Il s’agit de créer un espace vital de la peinture et du corps pour mieux résister à un environnement qui empêche la respiration et la circulation. »

« De puissantes résonances à l’histoire de la peinture interviennent en rapport à cette approche originale de la figure. La première est celle, revendiquée par Redouani lui-même, de Rembrandt. L’actualité du peintre flamand tient dans ce pouvoir de la carnation par la peinture, que ce soit dans ses autoportraits ou dans ses scènes de dissection du corps animal ou humain. Le brossage des couleurs et la maîtrise du clair-obscur chez Rembrandt délivrent à la figure peinte une vie qui ne cesse d’affleurer et de bruire à la surface de la toile. La référence au peintre flamand peut étonner car, dans les tableaux de Redouani, on ne retrouve pas ce recours à l’étalement vibratoire de la matière picturale. D’une seule teinte et parfaitement lisse, la peinture désincarne le corps et le contraint dans un espace minimal. Toutefois, Redouani invoque Rembrandt pour tendre vers cette quête forcenée d’une vie à faire naître dans ses figures. Lorsqu’il parle de sa passion pour le clair-obscur, il déclare qu’il n’a pas encore atteint la lumière. L’usage prédominant de l’obscur sur le clair, on peut l’argumenter par le fait que la mort est encore trop omniprésente. »

Larys Frogier, « Peindre vivre peindre », in Ouvertures algériennes, créations vivantes, catalogue de l’exposition, Rennes : La Criée, centre d’art contemporain, 2003

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