diapositives et séquences vidéo transférées sur dvd, son, 26 mn
1e partie, 13mn
En alternant des photographies et de courtes séquences vidéo, Kader Attia visualise les liens et ruptures entre les modes de vie d’une partie de sa famille vivant dans la banlieue parisienne (Garges-les-Gonesses) et d’autres proches restés dans la région de l’Atlas algérien.
L’ensemble de la projection est accompagné d’une bande son qui compose un voyage sur différentes stations de la bande FM pour diffuser des informations et des musiques populaires franco-algériennes. Entre le constat ethnologique et l’approche sensible des êtres humains, cette Correspondance déploie une vision subtile et émouvante des questions liées aux rapports socio-économiques du déracinement ou de la quête de valeurs ancestrales, de l’identité ou de l’aliénation culturelle.
2e partie, 13mn, sous-titrée
La jeune fille qui voulait se marier, cette seconde partie propose le portrait filmé de Samira, cousine de Kader Attia. Cette séquence visualise en fait l’adresse que fait Samira d’une demande en mariage au frère de l’artiste.
Sensible et subtil, le portrait s’envisage ici dans un rapport de séduction tout en finesse qui oscille entre la description de la jeune femme par elle-même, le récit de ses valeurs de vie, ainsi que l’affirmation d’une présence charnelle, voire sensuelle, devant la caméra. Kader Attia devient ainsi, non pas le simple entremetteur d’une négociation de mariage, mais le récepteur et le messager d’une parole étonnamment vivante.
Ce qui touche dans cette œuvre, c’est d’abord un geste d’offrande envers ses proches qui sont séparés entre la France et l’Algérie. Ce don de l’image et du son aux autres traverse le diaporama de bout en bout, comme s’il s’agissait de réconcilier deux mondes si différents et si proches à la fois. L’impact visuel de cette correspondance tient dans la tension sensible entre ce qui se joue à côté et entre les images : la mémoire de lieux que l’artiste redécouvre en Algérie, la beauté d’instants simples partagés à Garges-les-Gonesses ou à Sétif, l’hommage à une culture algérienne que les enfants d’immigrés ont beaucoup de mal à reconnaître. Le punctum* dont parle Roland Barthes se retrouve alors au travers de détails visuels qui envahissent l’image : le léger mouvement des fleurs au milieu des tombes de sa famille, la matière accidentée d’un mur sur lequel est inscrit le graffiti » Visa « , le grain de peau d’une main qui tend une photographie, le vide qui sépare l’immeuble d’une cité et le visage flouté d’un jeune homme situé dans le coin de l’image. Tous ces points sensibles ponctuent le diaporama et constituent la trame qui lie les images entre elles. Il ne s’agit donc pas de documenter selon une logique narrative, mais plutôt d’opérer des sauts qualitatifs du punctum entre une image et une autre.
Larys Frogier, « Photographier le lien, vivre la mémoire », Ouvertures algériennes, créations vivantes, catalogue de l’exposition, La Criée, centre d’art contemporain, Rennes, 2003
* « Le punctum est une sorte de hors-champ subtil, comme si l’image lançait le désir au-delà de ce qu’elle donne à voir : pas seulement vers « le reste » de la nudité, pas seulement vers le fantasme d’une pratique, mais vers l’excellence absolue d’un être, âme et corps mêlés. » Roland Barthes, La Chambre claire : note sur la photographie, Paris : Cahiers du cinéma/Gallimard/Seuil, 1980, p.93
Pour aller plus loin
Kader Attia
Artiste