Les personnages de Rasmus Myrup sont issus du folklore danois, des traditions orales sud-scandinaves et de la mythologie nordique. Il puise son inspiration dans les nombreuses figures qui les composent, dont il réinterprète les histoires, faisant preuve d’une imagination foisonnante. On retrouve parmi ses figures, certains personnages principaux de la sphère magique, comme Gefion – déesse des sols – ou Nisse – la « petite Barbie » originale des légendes scandinaves et d’autres moins connus, mais pas moins importants.
Combinant passé et présent, l’artiste les ancre dans notre société postmoderne et ses questionnements : ils interrogent notamment la normativité, l’ordre et la morale établis et affichent leur singularité, leur sensualité, leur liberté d’être.
Pour fabriquer ses sculptures, Myrup glane des objets naturels autant que des objets manufacturés, issus des rebuts de la société de consommation, qu’il assemble ensuite avec une extravagante virtuosité.
En formidable conteur, Myrup donne vie et épaisseur à des personnages mi-humains, mi-végétaux, des êtres complets, Queers et alliés aux identités mouvantes et aux vies multiples, venus d’un temps tout autant préhistorique que post-humain.
Cette communauté composite, ce « salon des refusés », redessine les contours d’une autre société possible, faite de bric et de broc, de branches et de strass, de likes et de lichen, de singularités et de résistances. Une société qui pousse et s’épanouit, malgré tout, sur les ruines des forêts et des banlieues embrasées.
La moitié des sculptures ont été produites et présentées à la biennale de Göteborg en Suède à l’automne 2023, puis au centre d’art 1646, à La Haye, aux Pays-Bas, début 2024. À La Criée, suite à deux résidences de création, Myrup y ajoute une dizaine de nouvelles pièces, réalisées à partir de matériaux glanés à Rennes et en Bretagne. Si ces nouvelles figures restent issues de l’imaginaire nordique, çà et là des détails et métissages bretons apparaissent.
À contre-courant du climat politique actuel où les patrimoines culturels et les histoires communes deviennent des motifs de division et exclusion, les personnages de Myrup célèbrent la diversité et le mélange. Ils sont comme les champignons de la fin du monde d’Anna Tsing* : une leçon d’optimisme dans un monde trop souvent désespérant.
* Anna Lowenhaupt Tsing, Le Champignon de la fin du monde : sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme, trad. de l’anglais par Philippe Pignarre, préf. par Isabelle Stengers, Paris, La Découverte--Les Empêcheurs de penser en rond, 2017, 415 p.