Il s’ouvre à Paris, en 1680, entre la Comédie Française et les théâtres de rue, lorsque que « le Français » s’arroge l’exclusivité du dialogue pour briser la concurrence de sa petite sœur des rues. En contournant la loi du Roi, les artistes des tréteaux inventent alors une multitude d’autres formes, impliquant bien souvent la foule pour faire porter leurs voix. À La Criée, l’exposition Mime représente et redouble ces mises en scènes prolifiques des théâtres forains dissidents.
Partant de ce moment historique fondateur, où des artistes ont ouvert des espaces de création en marge des canons académiques de leur époque, nous cherchons à observer différentes pratiques artistiques affiliées à cette histoire, c’est-à-dire des pratiques qui négocient aujourd’hui avec la loi, le texte, le droit, les normes, les habitudes, les politiques d’éducation artistique et culturelle en France, la répartition des rôles entre auteur·e·s et spectateur·rice·s… Plus largement, cette recherche s’intéresse au dialogue comme facteur de disjonction, à toutes formes de parades à une parole qui monologue et à une écriture démonstrative, à des pratiques artistiques qui élaborent des pratiques qui digressent différemment de pensées qui progressent.
Dans un moment festif, faisant de l’exposition Mime un décor, nous invitons – Rémi Baert, Esmé Planchon et Helena de Laurens, Paul Collins – pour une série d’événements – performance, conférence, lecture ou concert. Ensemble, nous créons une longue performance collective, en partie improvisée, qui fabrique sa propre archive vidéo en direct, puisque les conditions actuelles de distanciation physique ne nous permettent pas d’ouvrir ce moment à un large public.
Programme
-- Mathis Collins, La banane, un poème
-- Rémi Baert, Deux ou trois choses que je sais des clowns, une conférence, avec Mathis Collins dans le rôle du pupitre
-- Helena de Laurens et Esmé Planchon, Polichinelle ou Divertissement pour les jeunes gens en quatre scènes, une lecture du texte de Giorgio Agamben publié en 2015, et publiée en français aux éditions Macula, Paris, 2017, traduit de l’italien par Martin Rueff.
-- Paul Collins, Sounds (good to me), un concert improvisé au piano traité
-- Sounds (good to me) est une improvisation au piano traité, une technique d’imposition des mains sur un clavier, augmenté d’une radio instable. En sortent des bribes de phrases et de mélodies décrivant des flux de conscience et de mémoire musculaire comme le balayage de fréquences radios. La partition graphique que Paul Collins interprète est extraite de son manuel scolaire History of Modern Art de H.H Arnason, le même qui compose sa série de peintures dans l’exposition. Là aussi, les photocopies des pages ont perdu toute fidélité au texte dans leurs passages instables sur la plaque de la machine. Ces pages devenues illisibles laissent alors toute la place à l’improvisation.
Le Big Book
Ce moment a été filmé et au-delà de cette documentation, une autre forme d’archive réunira l’ensemble des traces, documentations et souvenirs de ces moments autour de l’exposition Mime. Mathis Collins réalisera un ensemble de vingt sculptures en bois gravé, polychromes intitulé Le Big book, qu’on pourrait aussi appeler un grand livre d’histoires, richement illustré. Ce livre compose une archive alternative à son versant télévisuel. Il est comme un recueil de sources hétéroclites, allant de nos recherches antérieures à ce moment clef. Il accueillera dans ses très grandes pages des textes d’inspiration, les dessins préparatoires à l’exposition, des photographies documentant les performances et le workshop à l’école des beaux arts de Rennes, le tout entouré de gravures ornementales liées aux tableaux de l’exposition. À la fois catalogue d’exposition et archive de l’évènement, Le Big Book encapsule l’ensemble d’une année de recherche permettant de suivre les circonvolutions du duo entre Mathis et Émilie.