Les peintures d’Amadou Sanogo, au style direct et synthétique, sont immédiatement reconnaissables : un personnage (plus rarement deux) se détache sur un fond monochrome auquel vient se superposer un carré ou rectangle, souvent composé de motifs répétitifs. Les corps, masses sombres, parfois morcelées, sont porteurs d’éléments à forte valeur symbolique, comme les fleurs (pour signifier l’importance de l’harmonie entre les hommes) ou les gants (pour dire la nécessité du combat).
Les personnages d’Amadou Sanogo semblent soit en suspension, soit dans un équilibre précaire. Ils sont chargés d’un questionnement, voire d’une inquiétude, que vient adoucir le choix de couleurs franches pour le fond des toiles, les rehauts de blanc, de rouge ou de jaune et la vibration des motifs – principalement des ronds et des points. Les toiles d’Amadou Sanogo présentées à La Criée sont presque toutes basées sur des proverbes bambaras, culture et philosophie qui nourrissent profondément l’artiste. Elles sont également l’écho de son quotidien, qu’il s’agisse d’interrogations ou d’événements personnels ou liés à l’actualité sociale, politique, économique. Ainsi, par exemple, Ka kun kolo di mama nika nɛkun minɛna (On lui a confié la tête mais arraché la langue), où l’on voit un personnage assis à une table sur laquelle est posée une langue, illustre à la fois le proverbe bambara qui donne son titre à la toile et un événement récent : lors des dernières rencontres photographiques de Bamako le directeur de la biennale a été littéralement privé de parole lors du vernissage. Ainsi également, la toile Mes observations face à la situation, réalisée à Rennes en ars dernier, quelques jours avant l’ouverture de l’exposition – dans les faits repoussée de deux mois : l’artiste s’y peint en vieux sage observant la peur des rennais face à l’arrivée du Coronavirus.
Pour Amadou Sanogo, éducation et transmission sont des valeurs humaines et artistiques primordiales. C’est pourquoi il a décidé d’exposer dans la seconde salle du centre d’art les dessins réalisés par le peintre et des enfants de l’école Tregain de Rennes à l’occasion d’une résidence qui s’est déroulée en mars 2020.
Les œuvres d’Amadou Sanogo ont une portée à la fois critique et humaniste. En prise directe avec les aléas de la vie quotidienne, le recul qu’induit leur dimension philosophique est d’autant plus saisissante : elles sont des sagesses peintes.