They Watched us for a Very Long Time (Ils nous regardaient depuis très longtemps)

Runo Lagomarsino

25 septembre
22 octobre 2015

Expositions à la Criée

Runo Lagomarsino, Sea Grammar (détail), 2015 identité visuelle © Lieux Communs © Andreas Meck and Terje Östling courtesy de l'artiste et des galeries Nils Staerk, Copenhague et Mendes Wood Dm, São Paulo

Pour la première exposition de sa saison « Fendre les Flots », La Criée présente « They Watched us for a Very Long Time (Ils nous regardaient depuis très longtemps) » de Runo Lagomarsino, qui réunit un ensemble d’œuvres de cet artiste suédois vivant entre le Brésil et la Suède, fils d’émigrés argentins d’origines italienne et espagnole.

Présentation

Ces multiples traversées atlantiques, à la fois racines familiales et parcours personnel, sont fondatrices de sa pratique. Par le biais de sculptures, d’installations ou encore de vidéos, il cherche à mettre en perspective la permanence de l’héritage colonial dans notre monde globalisé. En jouant de la multiplicité des points du vue, Runo Lagomarsino interroge nos positions et identités : qui est le «nous», qui sont «les autres» ?

Le titre de l’exposition est emprunté à la pièce éponyme They Watched us for a Very Long Time, 2014 : une soixantaine de plaques en métal subtilisées au système d’éclairage du musée archéologique Pergame de Berlin. Comme celles de bien d’autres musées européens, les collections du Pergame ont été constituées par l’appropriation coloniale d’artefacts anciens, devenant patrimoines culturels nationaux, symboles des identités européennes.

Les éléments d’éclairage présentés ici sont soumis à un renversement de contexte et de fonction : auparavant mettant en lumière, ils sont maintenant eux-mêmes exposés. Par cette double action de subtilisation et d’inversion, Runo Lagomarsino nous pousse à envisager ces lieux différemment : et si ces musées ne mettaient pas seulement en lumière les autres cultures mais étaient également des outils de compréhension du pouvoir, du colonialisme européen et de la façon dont l’Histoire se construit et s’écrit  ? Des «miroirs amnésiques de l’Europe» comme le dit l’artiste qui ajoute «le passé colonial n’est pas passé ; il fait partie de notre vie contemporaine*».

La tapisserie Entre Mundos, 2013 et le mur doré érigé à l’entrée de la seconde salle de La Criée font quant à eux référence à la conquête de l’Amérique du sud par les espagnols et les portugais au XVIe siècle. Beaucoup plus proche dans le temps et brûlante, la projection diapositive Sea Grammar, 2015 évoque silencieusement les migrations méditerranéennes actuelles.

Souvent, les éléments qui constituent les œuvres de Lagomarsino voyagent, deviennent témoins et matérialité de parcours, métaphores de migrations, d’exils ou de faits historiques. C’est le cas par exemple dans la vidéo More Delicate than the Historians are the Map Makers Colours, 2012-2013 où l’on voit l’artiste et son père jetant des œufs ramenés illégalement d’Argentine sur une gigantesque statue de Christophe Colomb à Séville. Ou encore dans la récente vidéo Como si fuera piedra la arena, 2015, où Runo Lagomarsino déverse discrètement du sable provenant des rives méditerranéennes aux pieds des statues grecques de la Glyptotec de Copenhague.

Dans l’ensemble des pièces présentées à La Criée, Runo Lagomarsino cherche à révéler des fractures historiques et spatio-temporelles d’où raconter d’autres histoires, d’où lire le passé et envisager le futur depuis d’autres angles. Il convoque les fantômes et les héros du passé historique, les faits proscrits ou prescrits, avec une poésie empreinte d’activisme et fait du voyage un espace politique.

* « Question & Answer with Runo Lagomarsino », kunstforum.as, 7 avril 2014

Photos de l’exposition

Œuvres produites

Artiste et commissaire de l’exposition