Les projets des Mahony traversent les zones géographiques et historiques, les contextes sociaux et politiques, et prennent souvent comme point de départ des éléments appartenant à notre mémoire collective, réels ou fictionnels, connus ou ignorés. Le collectif provoque des confrontations, des aller-retours, des liaisons spatio-temporelles entre plusieurs strates et interprétations d’un même récit. Ils élaborent ainsi un processus de travail rhyzomatique en perpétuel devenir, où les enjeux ne résident pas tant dans l’amorce ni la finalité, mais bien plus dans la constellation de données créée dans l’entre-deux.
Slow Season s’inspire du contexte dans lequel elle prend place : La Criée, son histoire, son espace, son emplacement - un centre d’art dans un ancien marché aux poissons - ; les figures tutélaires des héros d’Homère et de Joyce.
L’exposition se construit autour d’une une suite d’œuvres et d’indices qui se répondent les uns les autres et dont l’assemblage forme les bribes d’une histoire, ou plutôt de plusieurs histoires possibles.
Ainsi, pénétrant dans l’espace d’exposition, le visiteur se retrouve en face de la reproduction en grand format d’une photographie d’archive des halles centrales datant des années 1920, repeinte à la main (Slow Season, 2013). Cette œuvre interroge le rapport à l’espace, au bâti et à l’histoire. Écho direct de l’espace de La Criée, elle fait de celui-ci un protagoniste à part entière du scénario de l’exposition.
Les références aux Ulysses de Joyce et d’Homère sont nombreuses. Ainsi, Meeting of the Waters (2013) figure le plan d’un jardin public de Dublin où se déroule une partie du dixième chapitre de l’Ulysse de Joyce. Lui répond Swansong (2013), citation tirée du même chapitre. De cette façon, un jeu se crée entre l’ancrage historique de l’exposition et les variations autour du mythe qu’elle propose.
Cet ancrage littéraire se double d’une grande attention portée aux dérives et complexités de la société contemporaine. À cet effet, les Mahony s’intéressent à des objets qui canalisent des conflits et dont ils s’attachent à démontrer le statut contradictoire, qu’il s’agisse d’objets issus de la production de masse ou d’objets archéologiques traités et estimés à la fois comme des marchandises et comme des porteurs de sens (objets culturels ou cultuels).
Pour le collectif, ces objets, qui circulent dans le cadre d’un marché mondialisé, sont en eux-mêmes une expression de culture matérialiste contemporaine. Ainsi, l’installation Gum-Paste Incident (2011), fait référence à une statuette Maya dont l’authenticité a été récemment débattue lors de son passage en vente publique, mettant en question sa valeur d’objet (d’art), et révélant les conflits de pouvoir entre la vieille Europe et les « autres mondes ».
L’équilibre de l’exposition Slow Season tient dans ce subtil mélange du poétique et du politique, ainsi que dans la très grande attention portée à l’environnement dans lequel elle prend place. La figure de l’arpenteur y est centrale, qu’il s’agisse du flâneur - de Leopold Bloom à Walter Benjamin - ou du voyageur au long cours - d’Ulysse à Ernest Shackleton.
Cette exposition s’inscrit dans le cadre d’Ulysses, l’autre mer, un itinéraire d’art contemporain en Bretagne (d’avril à septembre 2013). Ce projet est initié par le Frac Bretagne à l’occasion des 30 ans des Fonds régionaux d’art contemporain.