Depuis plus de quinze ans, Lutz & Guggisberg élaborent une œuvre protéiforme qui conjugue une grande liberté d’expression à l’emploi d’une multiplicité de médiums : sculpture, peinture, vidéo, photographie, son ou plus récemment performance. Dans leurs expositions, ils développent et mettent en scène leurs différentes pièces, jouant souvent de l’auto-citation et inventant des réseaux de sens dans leur propre système créatif. Le spectateur pénètre alors dans un monde singulier, au sein duquel les marqueurs du réel (forte présence des matériaux et des lieux) le disputent aux témoins de l’imaginaire (formes abstraites ou anthropomorphiques des sculptures, récits contenus en négatif dans les photographies, etc.).
Reconnu sur la scène artistique suisse autant qu’internationale (leur travail sera notamment présenté au Mudam – Luxembourg à la suite de leur exposition à Rennes) ils ont très rarement exposé en France. Leur exposition à La Criée est donc une occasion importante de faire connaître le duo suisse au public français.
Lutz & Guggisberg sont des conteurs, qui « charment » la réalité. À Rennes, ils imaginent La Forêt, une installation qui dessine à la fois un paysage et une histoire. Cette Forêt est habitée : on y trouve des oiseaux improbables, des convois de fourmis, des créatures marines, tout un bestiaire bienveillant. C’est un espace jubilatoire où l’humour est partout présent ; l’installation mène le visiteur de découvertes en découvertes, depuis un élevage de poussière posé au sol jusqu’à un large mobile qui fait office de canopée. Cependant, une certaine inquiétude est également présente : elle affleure notamment dans les couleurs sombres qui recouvrent les murs.
Cette exposition, conçue spécialement pour et en fonction de l’espace de La Criée, est essentiellement constituée de pièces nouvelles, dans lesquelles on retrouve les éléments du vocabulaire des artistes (théâtres d’objets, collections, objets trouvés, assemblages, etc.) et qui sont également l’occasion d’approfondir certaines pistes, comme celle du rapport à la peinture : les traditions de l’abstraction et de la fresque sont traitées ici avec une distance désopilante !
Deux séries photographiques, Souches et Trou dans le Miroir nous guident sur des chemins tantôt sombres et interrogatifs, tantôt drôles et lumineux, où se tissent les amorces d’un récit ouvert. En regard de ces tirages, des sculptures aux formes étranges et pourtant familières, en bois, plâtre, papier, poussière habitent l’espace du sol au plafond. L’installation vidéo Galaxy Evolution Melody, dans la petite salle, nous permet quand à elle de découvrir pas à pas les systèmes et les imaginaires à l’œuvre dans la pratique du duo d’artistes.