Dans une exposition en cours à la GoMa (Gallery of Modern Art) de Glasgow, il s’est attaqué, via la situation spécifique de la ville où il est né et où il vit, aux questions qui fondent son travail mais aussi qui structurent (ou déstructurent) bien des situations dans le monde d’aujourd’hui : le sectarisme religieux, les modes visibles de l’identification populaire (le sport en particulier), les revendications ethniques et nationalistes, la singularité et l’universalité, la mixité et le métissage. En se prenant lui-même comme sujet (son arbre généalogique, son mariage avec l’artiste Jacqueline Donachie, lui plutôt de famille protestante, elle plutôt d’origine catholique), en empruntant aux manifestations de la culture locale (les fanfares, le football des deux grands clubs : Celtic et Rangers), il parvient magistralement à articuler local et global, spécificités et traits communs.
Ce qui donne toute sa singularité et tout son prix à la position de Buchanan, c’est que celle-ci évite à la fois le cynisme et l’angélisme. Les bons sentiments, pas plus qu’ils ne font de la bonne littérature, ne produisent de l’art de qualité. À l’opposé de tout dogmatisme, Buchanan, en effet, part de situations concrètes, hic et nunc, et traite de ce qui est, plutôt que de ce qu’il voudrait qui soit. Si l’on peut déceler là une certaine influence des cultural studies (tant dans leur versant post-colonial que concernant la question des genres), il s’agit avant tout d’une œuvre profondément humaine et engagée, où humour et émotion occupent une place essentielle.
L’exposition de Rennes voudrait offrir au public la vison la plus large possible de ce travail. Le lieu central en sera naturellement La Criée où l’on présentera une sélection des vidéos réalisées par l’artiste, sorte de mini rétrospective. On y verra également l’état précisément documenté de deux projets en cours, des works in progress, forme d’exposition inédite pour Buchanan et qui rend compte de la complexité mais aussi de l’énergie propres à ce travail. L’un d’eux concerne une œuvre dans l’espace public en lien avec le football ou le rugby. L’autre constitue le premier volet d’un travail photographique sur les pâtisseries : Scottish Cakes sera présenté à Rennes dans l’attente de son pendant français qui complètera ce match des gâteaux ! Cet ensemble sera complété par un autoportrait tout à fait singulier et inédit.
Ce qu’il faut encore noter à propos de Roderick Buchanan, c’est que tout en puisant constamment dans le réel et dans la culture populaire, il ne perd jamais de vue le fondement pictural de l’art, son héritage séculaire. Aussi le musée des Beaux-arts de Rennes présentera-t-il, dans le patio, une vidéo de l’artiste qui, comme son titre History Painting l’indique, fait directement référence à la grande tradition de la peinture d’histoire.
Jean-Marc Huitorel, mai-juin 2007