Par les pratiques de dessin, de sculpture et de vidéo, Javier Pérez questionne les représentations contemporaines du corps. A l’opposé des images anatomiques et identitaires qui nous entourent, l’artiste préfère rendre sensible le corps dans son devenir charnel et poétique, ouvert à toutes les transformations.
Chaque corps étant multiple, l’artiste s’empare sans hiérarchie des fantasmes et des contradictions qui le régissent, pour faire librement circuler les effets de sens et d’intuition. Mis en scène comme une étendue où sont explorées les notions de frontières et de devenir, le corps se prête à toutes sortes de mutations, passant de ses figures sociales à son vécu intérieur, de son ouverture au monde à son isolement existentiel. Son approche n’est pas sans évoquer certains textes de Borges ou Kafka. Javier Pérez déconstruit les définitions figées du corps pour visualiser la matière vivante et proposer l’expérience de ses vibrations et résonances.
Soucieux de la portée esthétique de ses œuvres, Javier Pérez est attentif aux propriétés premières des matériaux : le verre ou la céramique sont modelés pour dégager finalement des formes inattendues. Nombre de ses œuvres échappent alors à toute prétention de vérité : elles oscillent entre beauté et répulsion, fragilité et consistance, opacité et dévoilement.
L’exposition à La Criée présente six séries d’œuvres récentes, sculptées et dessinées.
-- Mutaciones IVet Mutaciones VI (2004) ont été initialement réalisées pour l’exposition du Musée Reina Sofia au sein de l’étonnante architecture d’acier et de verre du Palacio de Cristal de Madrid. Combinant les possibilités matérielles du nickel et du miroir, du sable et de la résine, Javier Pérez donne naissance à des formes hybrides évoluant entre le végétal, le minéral et l’organique. Les reflets des espaces environnants sur les surfaces de miroir produisent une scénographie qui ouvre sur un espace illimité du corps.
-- Tempus fugit (2002-2004) réunit des cloches de verre suspendues. D’un timbre cristallin, elles sonnent le glas du temps révolu, tandis que la lumière y est absorbée et reflétée. Le corps et le temps entretiennent un rapport ambivalent : le mouvement, la mutation, le cycle sont aussi synonymes de fragilité, d’instabilité, de disparition.
-- Desaparecer dentro (1995-2005) est une installation en laine, teinte en rouge : elle représente la tête et les épaules enserrées dans des circonvolutions encéphaliques. L’accessoire du masque, récurrent dans l’art de Javier Pérez, rassemble contenant et contenu, surface et profondeur. Son effet de miroir enrichit la figure d’une épaisseur plus complexe, invisible.
-- Capillares II (2002) explore les résonances visuelles et allégoriques du crin de cheval. Teint aussi en rouge, ce tissage, long de 3.50 m, peut évoquer les dernières ramifications qui irriguent le sang avec l’axe d’équilibre offert par la colonne vertébrale.
-- Animal-Vegetal (2001) place la figure humaine au cœur de cette série de dessins, en procédant par combinaison de motifs et par renouvellement des formes.
-- Metamorfosis (2004) rassemble cinquante-deux dessins à l’encre, où l’animal, le végétal et l’homme fusionnent. Les traits tissent les liens d’une nouvelle entité.
partenaire
-- galerie Salvador Diaz, Madrid