Il réalise des formes invariablement simples, qui prétendent à une perfection absolue pourtant inatteignable : sphère en acier poli, peintures monochromes laquées, plaque de plexiglas transparente… Le choix de Yann Lestrat de recourir aux techniques et compétences issues de l’univers de la production industrielle participe à cet intérêt pour la finition de l’oeuvre, mais aussi paradoxalement à son détachement du réel.
Sa démarche créative investit souvent des paysages, des espaces publics ou des objets domestiques familiers, dans lesquels il introduit des perturbations inattendues qui troublent leur usage commun et l’ordre établi : incrustation de niveau à bulle sur ses sphères et tableaux, installation d’une bonde d’évacuation monumentale dans un site naturel, etc.
Initialement fondée sur la névrose obsessionnelle et sa symptomatologie, sa réflexion porte sur la notion d’équilibre psychique, individuel ou collectif. Ses interrogations s’étendent aux rapports réels ou supposés entre art et dérèglements mentaux, entre création et jugement cognitif. Engageant ainsi un débat sur la difficulté d’être et de produire, il s’attache à une méthode alliant ordonnancement, économie et détermination. Yann Lestrat s’appuie sur la technicité scientifique, ce qui lui permet de développer des axes de recherche solides pour mieux en déstabiliser les problématiques et les systèmes normatifs fondateurs. Ses réalisations dévoilent les structures concrètes et mentales constitutives des sociétés modernes.
A La Criée, son projet consiste en une mise en scène reliant les limites perceptives du corps avec la quête du sublime.
Avec les Peintures numéro 24 à numéro 28, produites à l’occasion de l’exposition, Yann Lestrat présente une série de diptyques (120 cm x 212 cm), appliquant la technique de l’image en relief sous réseaux lenticulaires. Ces tableaux révèlent l’expérience visuelle d’un relief variant et polychrome sur des surfaces planes. Abordant les salles d’exposition comme un unique univers de perception, il tend du sol au plafond des lignes de couleur, qui baignent dans une lumière blanche, intense, diffusée par des tubes fluorescents, composant ainsi une peinture autonome. Yann Lestrat propose une déambulation contemplative, fonctionnant sur un va-et-vient indistinct et persistant des couleurs et des volumes.
Tout en ironisant méthodiquement sur nos systèmes de perception physiologiques et mentaux, Yann Lestrat invente de véritables paysages abstraits qui invitent autant à une observation attentive qu’à une divagation poétique et méditative.