Charles Sandison conçoit des installations à la mesure des lieux, correspondant à un plan d’organisation précis, rigoureux et très contrôlé de l’espace. Ni discours, ni construction syntaxique mais une liberté concédée au langage – si les excursions artistiques de Charles Sandison ne sont pas sans références à la démarche mené par les artistes conceptuels, son travail dégage une part d’aléatoire, échappant au final à une certaine maîtrise.
Les réalisations de Charles Sandison accusent des formes similaires par superpositions, faisceaux croisés, circulations et télescopages. Son procédé d’écriture génère des structures vivaces, mouvantes, articulées au contexte et aux dimensions architecturales (façades, renfoncements intérieurs et extérieurs, plafonds, escaliers, sols, murs). L’artiste donne à ressentir, à lire et à interpréter des « rivières de mots ». A contre courant ou en harmonie, les mots s’embrassent, s’intercalent ou s’annulent les uns les autres dans un flux et un reflux incessant, semblables à un organisme vivant. Ca se cogne, ça se glisse, se faufile dans les moindres interstices… Phénomène d’entraînement ou effets de contagion, les réalisations éphémères de Charles Sandison découlent de son rapport sensible à l’espace et au paysage. L’intérêt de son travail réside dans sa capacité à faire rebondir les mots entre eux, à s’ajouter, à interférer avec les contraintes techniques et les caractéristiques du lieu investi.
L’artiste produit pour l’espace de La Criée une installation intitulée Entre ciel et terre. A partir de projecteurs vidéos suspendus et d’un habitacle en tissu, l’artiste proposera une installation adaptée aux dimensions et aux limites du lieu d’exposition (couleur du sol, murs, hauteur de plafond). Les sources de diffusion, orientées dans plusieurs directions, sont inversées sur les parois latérales de cette structure tendue en tissu. Les mots vont migrer, se répercuter, traverser ces surfaces. Paradoxalement aux exigences techniques, Charles Sandison articule une réflexion sur une poétique de l’espace et du temps, vision « hic et nunc » rendue visible, fragile, touchante, inscrite dans un processus mobile. « Génie du lieu », l’artiste s’écarte d’une dimension linéaire et des instances techniques, posant un questionnement sur l’existence de l’oeuvre comme expérience corporelle et temporelle – à vivre – comme si les mots portaient en eux leurs successions, leurs fluctuations, l’appel des formes passées, présentes et à venir.
Fanny Poussier