Quand la fiction franchit la réalité Sensibiliser à l’urgence climatique par la fiction

L'art joue un rôle essentiel pour nous sensibiliser aux enjeux climatiques. Comment la fiction, en brouillant les frontières entre le réel et l'imaginaire, peut-elle nous aider à prendre conscience de l'urgence climatique ? Des artistes comme Pierre-Jean Giloux, avec son installation Biomimetic Stories, utilisent des technologies numériques pour nous faire réfléchir sur l'impact de nos actions sur l'environnement. En mélangeant le réel et le virtuel, ces œuvres immersives nous poussent à imaginer des futurs possibles et à agir pour un avenir plus durable. L'art ne se contente pas de nous avertir, il nous invite à repenser notre manière de vivre.

Mise en lumière

Le monde d'aujourd'hui fait face à de nombreux défis sociaux, qu’ils soient économiques, politiques ou scientifiques, et nous incitent à repenser nos manières de vivre. Parmi eux, l’urgence climatique arrive comme étant un problème inévitable : nous devons nous adapter. Le réchauffement climatique représente un défi majeur et nous devons le considérer pour imaginer nos vies futures et ne pas aggraver la situation. 

Dans son exposition Biomimetic Stories, l’artiste Pierre Jean Giloux exploite les technologies numériques en 2D et 3D pour façonner un monde réinventé, où l’adaptation au réchauffement climatique devient une nécessité. 

Comment la fiction, en brouillant les frontières entre réel et imaginaire, peut-elle sensibiliser à l’urgence climatique ?

Mise en garde artistique face au réchauffement climatique

L’art comme reflet des crises environnementales

Comme évoqué précédemment, l’urgence climatique nous oblige à repenser nos modes de vie. Plusieurs artistes et collectifs explorent cette problématique à travers des installations immersives et des œuvres fictionnelles qui interrogent notre avenir.

Le collectif Superflux, par exemple, a réalisé une installation immersive intitulée Mitigation of Shock, montrant à quoi ressemblerait notre vie quotidienne dans un appartement suite aux bouleversements climatiques. En plongeant le spectateur dans une réalité tangible et plausible, cette œuvre suscite une prise de conscience : si ce futur semble possible, alors nos actions présentes doivent changer. L’objectif est d’agir sur les émotions, l’intellect et les sens du visiteur pour éveiller sa conscience et l'encourager à s’engager activement dans un changement positif (1).

Des œuvres immersives pour une prise de conscience

Dans la même lignée, la série The Rain (2018-2020, Danemark) présente une société ravagée par un virus véhiculé par la pluie, mettant en garde contre les conséquences d’une pollution incontrôlée et d’un dérèglement climatique irréversible (2). De son côté, Ice Watch d’Olafur Eliasson (2015) installe des blocs de glace arctique au cœur des villes, confrontant physiquement le spectateur aux effets concrets du réchauffement climatique (3). Ces œuvres ne relèvent plus de la simple science-fiction, mais d’une réalité imminente que nous devons anticiper.

Dans son exposition Biomimetic Stories, Pierre-Jean Giloux pousse cette réflexion plus loin en immergeant le spectateur dans une atmosphère oppressante. L’obscurité de la pièce et l’intensité sonore des vidéos créent un malaise profond, amplifiant ainsi le poids et la gravité du sujet abordé. Ce dispositif sensoriel invite chacun à interroger ses propres actions et son impact sur l’environnement.

(1) Mitigation of Shock, du collectif Superflux

(2) The Rain, Netflix, 2018-2020

(3) Ice Watch, Olafur Eliasson, 2015

Fiction et limites sociétales : une exploration critique

La fiction comme outil d’anticipation

La fiction a toujours été un moyen fort d'explorer les problèmes de notre société et d'imaginer ce que l'avenir pourrait être. Beaucoup d'œuvres ont prévu les conséquences de nos choix économiques, politiques et technologiques, nous montrant des scénarios qui, même si ce sont des suppositions, ressemblent de plus en plus à notre réalité.

Entre réel et virtuel : brouiller les frontières

Pierre Jean Giloux utilise les techniques numériques (vidéo augmentée, animations 3D, etc.) pour brouiller les frontières entre le réel et le virtuel. Ce procédé lui permet de :

  • Questionner notre perception de la réalité et des futurs possibles ;

  • Explorer comment les nouvelles technologies permettent à la fois d'améliorer nos conditions de vie et d'agir comme phénomènes perturbateurs.

Dans ses œuvres, la narration va au-delà du simple divertissement, offrant un espace de réflexion où le spectateur fait le lien entre présent et avenir. Cela touche différents aspects – émotionnel, intellectuel et sensoriel – pour éveiller les consciences et encourager l’action. Des collectifs comme TeamLab (Transcending Boundaries) expérimentent cette relation entre humain et environnement en créant des écosystèmes numériques interactifs où l’environnement virtuel réagit aux actions du visiteur, montrant l’impact de nos comportements sur la nature (4).

(4) Un monde sans frontière, Team Lab, 2024

Réinventer le futur : de la fiction à l’action

Imaginer des alternatives au futur dystopique

L’exposition Biomimetic Stories nous pousse à nous interroger sur notre avenir : voulons-nous poursuivre sur cette voie ou adopter des solutions inspirées de l'existant ? La fiction permet d’explorer ces alternatives en anticipant des scénarios possibles et en proposant des modèles d’adaptation.

L’art catalyseur d’actions

En mêlant art, science et technologie, Pierre Jean Giloux et d’autres artistes ne se contentent pas de montrer des visions dystopiques : ils nous proposent un futur différent. La fiction devient un outil puissant de sensibilisation et de mobilisation.

L'art a son rôle à jouer face aux défis environnementaux. Il exprime nos angoisses collectives, mais également des imaginaires. La fiction climatique, plus qu'un avertissement, peut inspirer le changement et aider à construire un avenir plus durable.

Dans cette perspective, le travail de Heather Dewey-Hagborg avec Stranger Visions ouvre une autre dimension critique sur notre relation à la science et à l’innovation. En utilisant des traces d’ADN récupérées dans l’espace public pour reconstruire les visages d’individus inconnus, elle interroge les implications de la surveillance génétique et les dérives potentielles de la biotechnologie (5). Cette approche spéculative et critique rejoint les préoccupations soulevées par Biomimetic Stories : comment l’innovation scientifique et technologique façonne-t-elle le monde de demain, et quel contrôle avons-nous réellement sur ces transformations ?

Ainsi, par l’art et la fiction, ces œuvres nous invitent à envisager des alternatives et à repenser notre rapport au vivant, à la technologie et à l’environnement. Elles nous rappellent que le futur n’est pas une fatalité, mais un territoire à imaginer et à construire.

Toutes ces œuvres nous montrent que l’art et la fiction ont le pouvoir de transformer notre rapport au monde et de nous inciter à agir avant qu’il ne soit trop tard.

Biomimétisme : Imitation technique des processus mis en œuvre par la nature (dictionnaire Le Robert)

(5) Stranger Visions, Heather Dewey-Hagborg, 2012-2017

"Les frontières entre images de synthèses et images réelles s'estompent et laissent libre cours au regardeur d'inventer sa propre narration"

Pierre-Jean Giloux

Éva Morvan, Julia Gautier, Éva Huisse