Des mondes hybrides

Notre analyse porte sur l'exposition de Pierre Jean Giloux et sa manière d'explorer l'hybridation entre captation du réel et fiction numérique. À travers ses différentes œuvres, nous interrogeons les enjeux de l'artiste et les messages qu'il transmet aux spectateurs.  

Des Mondes hybrides - Introduction à l’exposition de Pierre Jean Giloux

Pierre Jean Giloux conçoit des fictions prospectives dans lesquelles l’hybridation1 occupe une place essentielle. Celle-ci se manifeste à deux niveaux distincts, à travers le croisement de plusieurs pratiques. Son travail débute par l’intégration d’images animées dans des volumes, ce qui lui permet de concevoir des objets hybrides. Il explore ensuite les techniques numériques, mêlant vidéo en 2D et 3D ainsi que compositions sonores. Parallèlement, il développe une approche plus plastique en intégrant le dessin et le collage. Le billet de blog "De la matière à l’idée : révéler l’hybridation technique" explore les outils numériques utilisés par Pierre Jean Giloux dans son travail. Nous vous invitons à le lire si ce sujet vous intéresse ! 


L’hybridation se manifeste également par une fusion entre le réel et le virtuel, omniprésente dans ses œuvres. La revue bilingue Hybrid, qui explore depuis 2014 la relation entre les technologies numériques et les pratiques artistiques et littéraires, met en lumière la manière dont l’illusion devient un moyen de créer des expériences où la frontière entre le réel et le virtuel s’estompe. Le réel est le concept de ce qui existe en soi, impliquant une existence effective. Le virtuel, quant à lui, n’existe qu’en puissance, sans effet actuel.


Ce dialogue entre ces deux dimensions se retrouve dans l’exposition Biomimetic Stories. Ce projet a émergé lors d’une résidence en Inde et a pris pour point de départ des réalités urbaines et sociales, capturées à travers des films et des photographies. Ces éléments sont ensuite prolongés par des images de synthèse, créant ainsi une forme de « réalité augmentée »2.

Les frontières entre le virtuel et le réel s’estompent, donnant naissance à un « espace entre » où le spectateur invente sa propre narration. L’enjeu est d’établir un dialogue, d’explorer les interactions possibles entre ces deux mondes et de questionner leurs limites. 

→ Notes

1- Correspond à hybride. Croisement naturel ou artificiel de deux individus (plantes ou animaux) d'espèces, de races ou de variétés différentes (1971), d’après le CNRTL.

2- La Réalité Augmentée (ou RA) est « une technologie qui permet d’intégrer des éléments virtuels en 3D (en temps réel) au sein d’un environnement réel », selon Artefacto.

Partie 1 - Des mondes hybrides - Explorer l’hybridation - De la captation du réel à la fiction numérique

Partie 1 - Des mondes hybrides - Explorer l’Hybridation - De la captation du réel à la fiction numérique

Il existe différents niveaux d’hybridation dans les œuvres de Pierre Jean Giloux, où la part de réel et la part de virtuel coexistent à des degrés variables. Chaque film explore une relation spécifique entre ces deux dimensions.


Piranha Dump Yarda est le seul des quatre films à être exclusivement composé de captations réelles, adoptant une approche quasi documentaire. Il y expose une réalité brute et insoutenable. Ici, toute perspective d’utopie ou d’avenir semble anéantie, laissant place à un constat sans échappatoire.


Dholerab se situe à la frontière entre passé et futur. Il s’intéresse aux ambitions déchues des « smart cities »3 en Inde. Ce projet, lancé il y a plusieurs années, est aujourd’hui presque à l’arrêt. Le film met en scène des images de ruines, sur lesquelles viennent se greffer des interventions numériques, accentuant ainsi le contraste entre le rêve technologique et l’abandon progressif du projet.


À l’inverse, Maduraïc et BioluminescentTTowerd s’inscrivent davantage dans une démarche utopique. BioluminescentTTower s'approprie une utopie existante en s’inspirant de la Tour d’Ombree du Corbusier, où l'ombre et la lumière sont utilisées afin de créer un environnement modulable.

Ce lien se prolonge avec Maduraïc, où Pierre Jean Giloux imagine un quartier protégé par des ombrières métalliques. Ici, la dimension utopique est pleinement assumée. L’architecture et la technologie redéfinissent un environnement idéal, en rupture avec la réalité.

→ Notes

3- La smart city (ville intelligente) est, selon le CNIL, un nouveau concept de développement urbain qui a pour but d’améliorer la qualité de vie des citadins en rendant la ville plus adaptative et efficace, grâce aux nouvelles technologies.

Pierre Jean Giloux, Biomimetic stories #2 Pirana Dump Yard, 2022.

Pierre Jean Giloux, Biomimetic stories #3 Dholera, 2024.

Pierre Jean Giloux, Biomimetic stories #1 Maduraï, 2022-2024

Pierre Jean Giloux, Biomimetic stories #4 BioluminescenTTower, 2024

Le Corbusier, Tour d'ombres, Chandigarh (Inde), Louidgi Beltrame, 2008.

Partie 2 - Des mondes hybrides - Nouvelles perspectives et leur impact direct sur les spectateurs

Partie 2 - Des mondes hybrides - Nouvelles perspectives et leur impact direct sur les spectateurs.

L’hybridation du réel et du virtuel agit comme un outil narratif et critique, permettant d’interpeller le spectateur sur les mutations du monde contemporain. D’après Pierre Jean Giloux, « les inflexions qu’[il] opère sur le réel ont pour but d’en modifier la nature, de le prolonger pour le questionner »4. Il transforme donc la réalité pour à la fois en révéler de nouvelles perspectives et questionner son évolution.


D’autres artistes adoptent une démarche similaire pour explorer les problématiques environnementales. Marina Abramović, avec Risingf (2018), utilise la réalité virtuelle pour sensibiliser aux effets du changement climatique. En immergeant le spectateur dans une simulation de la montée du niveau des mers, elle dépasse la simple représentation pour créer une expérience sensorielle, rendant l’urgence écologique plus palpable. Ce choix de l’hybridation sert ici à renforcer l’impact émotionnel en immergeant pleinement le public dans un futur apocalyptique.

All Unsaved Progress Will Be Lostg de Mélanie Courtinat utilise également la réalité virtuelle pour inviter les spectateurs à confronter leurs propres peurs face à des crises futures. À travers l’histoire d’une survivante qui choisit de ne pas évacuer son domicile, l'œuvre dévoile un paysage surréaliste en béton, où la nature reprend ses droits.


Les œuvres hybridées de Pierre Jean Giloux provoquent des réactions variées chez les visiteurs, chacun les percevant et les interprétant à sa manière. Nous avons pu confronter ces ressentis lors de notre visite de l’exposition, durant laquelle nous avons interrogé deux personnes de notre classe (DSAA Pluridisciplinaire Graphisme-Espace-Produit) afin de comprendre leur réception de ces images et leur capacité à s’y projeter.


Apolline, en Design Graphique, exprime un ressenti mitigé : « C’est fascinant, mais ça me perd un peu. En tant que visiteur, on se demande sans cesse : est-ce une vraie image ? Dans quelle réalité sommes-nous vraiment ? » La frontière entre réel et fiction lui semble floue, presque insaisissable. Si ces visions alternatives lui procurent des émotions, elles ne l’incitent pourtant pas à s’y projeter : « C’est tout ou rien, et ça en devient aliénant : soit on étouffe dans la poussière, soit on meurt de chaud. »

Pour elle, cette fusion entre fiction et réalité instaure une distance. Même lorsque les images s’inspirent du réel, elles lui paraissent trop éloignées de ses repères pour être pleinement saisissables : « On sent le réel en arrière-plan, mais au final, c’est surtout la fiction qui prend le dessus. »


Lisa, en Design d’Espace, trouve ces œuvres plutôt réalistes et se questionne sur les outils 3D utilisés et à quel point : « Parfois, il est difficile de distinguer si l’on est face à des modélisations 3D ou bien à de vraies images de villes. »

Elle trouve ces images perturbantes, car certaines présentent un fort contraste, à la fois visuel et sonore, qui peut être déstabilisant. L’œuvre Biomimetic Stories #1 Maduraïc combine, d’un côté, un brouhaha constant de rue, avec ses klaxons et son agitation, et de l’autre, des constructions contemporaines aux formes très organiques, blanches et apaisées.


Mais contrairement à Apolline, cette hybridation entre réel et virtuel l’aide à se projeter. En tant que designer d’espace, elle a l’habitude de réfléchir à la manière dont les formes et les environnements peuvent être conçus pour que les gens puissent s’y immerger naturellement.

Elle nous explique qu’elle a analysé la technique utilisée, qui consiste, selon elle, en des images de villes captées par drone, sur lesquelles l’artiste est ensuite venu intégrer des éléments 3D. D’après elle, c’est ce type d’hybridation qui est le plus réaliste, car « il ne part pas de rien ; l’ancrage de ses œuvres est solide, car la base est réelle. » Ainsi, plutôt que de lui projeter un futur nébuleux, ces œuvres lui donnent de l’espoir et la motivent à imaginer des espaces qui amélioreront le monde de demain.


Selon les préférences, expertises et perspectives de chacun, les œuvres d’art sont perçues et interprétées de manière extrêmement variée. Ces hybridations interagissent avec notre perception du monde.


Dans son article intitulé "Réalités de l'illusion. Créer avec les illusions entre le réel et le virtuel"5, publié dans Hybrid, Judith Guez met en avant que notre envie de réexaminer notre rapport aux images et aux espaces hybrides provient de la dualité entre émerveillement et confusion. Elle souligne également que les « illusions technologiques » offrent aux artistes une grande liberté d’expression et de représentation, leur permettant de dépasser le réel ou d’insérer le virtuel dans notre réalité quotidienne.

→ Notes 

4- Pierre Jean Giloux, dossier pédagogique de l’exposition Biomimetic Stories.

5- Judith Guez, "Réalités de l'illusion, Créer avec les illusions entre le réel et le virtuel", publié dans Hybrid, revue des arts et médiation humaine (2015). Judith Guez est artiste, chercheuse en art numérique et en design d’expérience entre réel et virtuel.

Marina Abramović, Rising, (2018).

Mélanie Courtinat, All Unsaved Progress Will Be Lost, (2022).

Partie 3 - Des mondes hybrides - L’hybridation pour imaginer un monde meilleur

Partie 3 - Des mondes hybrides - L’hybridation pour imaginer un monde meilleur

Ces multiples émotions citées plus haut, suscitées par l’œuvre de Pierre Jean Giloux, pourraient aussi nous plonger, en tant que spectateurs, dans un questionnement lié à la confiance que l'on accorde ou non aux images. Doit-on analyser la part de vrai et celle de faux ? Doit-on décortiquer pour déceler le réel de ces vidéos ? Peut-être que non. Les œuvres de Pierre Jean Giloux, projetées à grande échelle sur les murs blancs de La Criée, semblent être déployées dans l’espace de manière à plonger le spectateur dans un décor contemplatif, dans un espace propice à la perte de soi, à la rêverie et à la contemplation, ou bien plus alarmant et angoissant.

L’apport du virtuel dans ces vidéos est davantage utilisé pour la création d’images poétiques, légères et oniriques, comme dans les œuvres Biomimetic stories #3 Dholerab, Biomimetic stories #1 Maduraïc, Biomimetic stories #4 BioluminescenTTowerd. Biomimetic stories #2 Pirana Dump Yarda, quant à elle, ne présente aucun geste de Pierre Jean Giloux utilisant quelconque logiciel transformant la captation originelle.


Ainsi, on pourrait dire que dans le travail de Pierre Jean Giloux, l’hybridation est un outil permettant d’apporter plus de légèreté à la réalité. Grâce à elle, il développe et nous propose des futurs davantage réjouissants, dans lesquels la technologie et la nature sont réconciliées, formant un tout.

Cette vision de l’avenir semble inspirée par le biomimétisme6, une philosophie définie par la scientifique américaine Janine M. Benyus en 1997, comme étant « une science qui étudie la nature pour l’imiter ou s’en inspirer afin de résoudre des problèmes humains »7. C’est ainsi, dans cette perspective visant à réconcilier l’humain et l’environnement, que se dessine le cœur du propos de l’artiste, employant l’hybridation du réel et du virtuel comme outil de conception d’un monde plus éthique et désirable.

→ Notes 

6- Cette notion de biomimétisme apparaît dès 1980 et a été vulgarisée par la biologiste et environnementaliste Janine M. Benyus qui suggère de regarder la nature comme « modèle, mesure ou mentor ». 

7- L’intégration du biomimétisme dans un projet d’architecture, B-M-A, 2021. https://www.b-m-a.fr/le-biomimetisme/ 

Partie 4 - Des mondes hybrides - Construire demain grâce à l’hybridation entre réel et virtuel

Suite à la visite de l’exposition et aux explications reçues de Carole Brulard (responsable de la programmation artistique et culturelle du centre d'art de La Criée), nous avons interrogé 16 de nos camarades, leur demandant à chacun un mot pour qualifier leur ville future idéale, dans le but de pouvoir identifier les similitudes éventuelles de leurs réponses. Ces réponses nous permettent de nous interroger sur notre perception commune ou divergente du futur.


Nous pouvons classer ces mots par catégories et conclure que :


31 % espèrent un futur vert : un futur où la nature est respectée, où l’on rencontre beaucoup d’espaces verts, un futur écologique, végétalisé et où la gestion des énergies est développée.

32 % visualisent un futur altruiste : un futur où l’on cohabite, qui soit vivant, partagé, chaleureux, accueillant et rempli d’échanges multiples entre ses habitants.

12 % se projettent dans un futur rassurant : où la sérénité dure.

25 % souhaitent un futur de bien-être : qui soit agréable, avec un mode de vie ralenti pour un quotidien calme.


Ainsi, cette collecte révèle une projection du futur où l'environnement et la cohabitation humaine occupent une place centrale. Le bien-être et la sécurité sont également des aspects essentiels pour imaginer une ville idéale.

 

Des Mondes hybrides - Conclusion

L'hybridation du réel et du virtuel peut jouer un rôle clé dans la construction de la ville idéale en mettant à disposition des outils innovants pour le développement urbain et social, comme le montre l'exposition de Pierre Jean Giloux.

D’une part, il est possible d’imaginer un futur qui intègre les nouvelles technologies permettant le développement de nouvelles manières de vivre, plus rapides, plus simples, plus connectées, et où l’innovation et les êtres vivants coexistent en harmonie. Mais ces outils de création virtuelle permettent aussi de rendre visibles, sensibles et concrètes des imaginaires communs que l’on se projette lorsque l’on pense à un futur désirable.


Autrices : Marie-Lou H., Léonie C., Margau A.

Bibliographie

→ Sources des supports visuels : 


Pierre Jean Giloux, Biomimetic stories #2 Pirana Dump Yard, 2022, Vidéo HD en boucle couleur et sonore , 3’21’’ courtesy l’artiste et Solang production © Adagp, Paris, 2024. 


Pierre Jean Giloux, Biomimetic stories #3 Dholera, 2024, Vidéo HD en boucle couleur et sonore , 7’ courtesy l’artiste et Solang production © Adagp, Paris, 2024. 


Pierre Jean Giloux, Biomimetic stories #1 Maduraï, 2022-2024, Vidéo HD en boucle, couleur et sonore, 11’40’’courtesy l’artiste et Solang production © Adagp, Paris, 2024. & Pierre Jean Giloux, Biomimetic stories #4 BioluminescenTTower, 2024, Vidéo préparatoire en boucle couleur et sonore , 3’37’’ courtesy l’artiste et Solang production © Adagp, Paris, 2024.

Le Corbusier, Tour d'ombres, Chandigarh (Inde), photographie par Louidgi Beltrame, 2008. https://villamorel.collection-morel.com/chandigarh-ville-ecart/ 


Marina Abramović, Rising, réalité augmentée, 2018. 


Mélanie Courtinat, All Unsaved Progress Will Be Lost, réalité augmentée, 2022.  https://xrmust.com/fr/xrmagazine-fr/melanie-courtinat-all-unsaved-progress-will-be-lost-fr/


Le Corbusier, Tour d'ombres, Chandigarh (Inde), photographie par Louidgi Beltrame, 2008. https://villamorel.collection-morel.com/chandigarh-ville-ecart/




→ Articles et ressources en ligne :


Bernard, Anaïs. "Rising, Marina Abramovic". Corps en Immersion, 16 mai 2019. https://corpsenimmersion.com/2019/05/rising-marina-abramovic.html


Couchot, Edmond, "La relation intersubjective dans les arts immersifs présence et temporalités". Cairn, 2017. https://shs.cairn.info/revue-corps-2015-1-page-83?lang=fr


Courtinat, Mélanie. All Unsaved Progress Will Be Lost, 2018. https://melaniecourtinat.com/All-Unsaved-Progress-Will-Be-Lost


Guez, Judith. "Réalité de l'illusion. Créer avec les illusions entre le réel et le virtuel", Hybrid, Revue des arts et médiation humaine, 2015. https://journals.openedition.org/hybrid/1243.


Pierre Jean Giloux, La Criée, 2024. https://www.la-criee.org/fr/tou-te-s-les-artistes-auteurs-autrices-commissaires-etc/pierre-jean-giloux/


Pierre Jean Giloux, Biomimetics stories. La Criée. 2024. https://www.la-criee.org/fr/agenda/2024-10-10-biomimetic-stories/


Dholera. Wikipedia. 2024. https://en.wikipedia.org/wiki/Dholera


Smart City. https://www.cnil.fr/fr/definition/smart-city 


Qu’est ce que la Réalité Augmentée, Artefacto. https://www.artefacto-ar.com/realite-augmentee/ 


L’intégration du biomimétisme dans un projet d’architecture, B-M-A, 2021. https://www.b-m-a.fr/le-biomimetisme/ 




→ Ouvrages : 


Dossier de presse. La criée. Pierre-Jean Giloux : Biomimetics stories. 2024.


Armand Amato Étienne, Guez Judith, Perény Étienne et Tramus Marie-Hélène. "Réflexions rétrospectives et prospectives sur les avatars et acteurs virtuels issues d’explorations expérimentales artistiques". Hybrid Revue des arts et médiation humaine. Presses Universitaires de Vincennes, 2019.


Benyus, Janine. Biomimétisme : innovations inspiré par la nature, Harper Collins publisher, 2002.


Guez, Judith. "Créer avec les illusions entre le réel et le virtuel", Hybrid Revue des arts et médiation humaine. Presses Universitaires de Vincennes, 2015.


Gwiazddinski, Luc. L’hybridation des Mondes, Elya Editions, 2018.


Quéau, Philippe. Le virtuel : une utopie réalisée, Quadern 28, CNRS IRESCO, 1996.