Une plongée dans l’œuvre de Charbel-Joseph h. Boutros est proposée à la Criée. L’artiste libanais nous offre une porte ouverte sur sa vie avec son exposition The Sun is my Only Ally. Dans ce court écrit, nous tenterons de mettre en évidence la manière dont ses œuvres communiquent sur les émotions et sur le quotidien de l’artiste. Pour cela, nous analyserons les moyens employés par l’artiste dans ses œuvres. Nous porterons attention à la scénographie et à ce qui est perceptible sans informations complémentaires. Puis, nous nous attacherons aux titres de certaines œuvres, aux cartels et à leur sémantique. Enfin, nous ferons un parallèle entre le travail de Charbel-Joseph H. Boutros et celui du photographe Monsieur Bonheur.
Tout d’abord, lorsqu’on rentre dans l’exposition, le placement de quelques œuvres peuvent nous évoquer la maison, qui serait ici celle de l’artiste. Proche de l’entrée, sur la droite près du mur, une paire de chaussures Stan Smith est présente. L’artiste à sans doute voulu exprimer l’habitude qu’il peut avoir à retirer sa paire de baskets à l’entrée de sa maison. Ensuite, tout à gauche de l’entrée dans le coin, trois chemises sont maintenues à l’aide d’un cintre sur un support métallique accroché au mur. Cette œuvre peut nous évoquer cette fois-ci le dressing de l’artiste. Si nous levons la tête, il est possible d’observer un lit suspendu qui peut faire partie de l’étage supérieur invisible de sa maison. Puis, un vélo est observable. Il peut appartenir à l’artiste. Enfin, une petite salle dispose d’un autre lit avec un verre d’eau posé sur une table de chevet. La disposition des œuvres dans cette salle donne l’impression d’une chambre reconstituée. Par ailleurs, la commissaire de l’exposition est autorisée à dormir dans ce lit. L’ensemble de ces choix scénographiques nous rappelle la maison en plus des œuvres qui sont pour la plupart des objets quotidiens : couettes, coussins, basket, chemises, vélo.
Charbel-Joseph H. Boutros nous livre des œuvres très personnelles, proches de son quotidien et de son vécu. Il utilise différents procédés pour faire apparaître son ressenti et ses émotions et questionner le visiteur à ce sujet. Certaines de ses œuvres agissent comme des témoins de ces émotions, par exemple « Amitié » est constitué de deux chaussures Stan Smith séparées puis portées pendant six mois par l’artiste et son meilleur ami, au bout des six mois elles ont été réunies à nouveau. Ces chaussures ont acquis une nouvelle fonction, celle d’un souvenir de l’Autre. En les unifiant elles deviennent un souvenir de cette aventure grâce aux vécus visibles sur ces dernières. « Three Abstractions on Three Histories » est une autre de ces œuvres témoins, elle réunit trois chemises, ayant chacune appartenu à l’artiste, son père et son grand-père. Ces trois chemises alignées nous rappellent le passage du temps et le lien entre ces individus. Cette œuvre va plus loin et raconte aussi l’histoire du Liban et les épreuves que ses habitants ont dû endurer.
Charbel-Joseph H. Boutros questionne aussi notre rapport aux émotions et aux objets avec par exemple « Untouched Marble ». Cette installation nous expose deux cubes de marbre, un que seul l’artiste a touché et vécu avec pendant un mois et un autre que personne n’a jamais touché. Les deux cubes sont similaires en apparence et seule la scénographie permet de les distinguer, celui touché par l’artiste est posé sur le porte bagage d’un vélo tandis que l’autre est laissé par terre. On comprend donc que les émotions liées aux cubes restent invisibles à nos yeux et c’est au spectateur d’accepter ou non de croire à cette histoire.
Dans un autre registre, « Three Songs, Three Exhibitions », nous présente trois bouzouks en bois, chacun représentant le portrait d’une exposition réalisée par l’artiste, le luthier a joué sur chacun d’entre eux une mélodie, chaque mélodie et joué aux heures du coucher du soleil à Rennes, Gand et Beyrouth. Ces trois bouzouks ne sont pas, comme mentionné plus haut, des témoins de ces expositions mais ils représentent un instant dans le temps qui est lié à un souvenir de l’artiste. L’œuvre est chargée d’un sentiment de mélancolie sans pour autant avoir été le témoin de ces évènements.
Finalement, le travail de Charbel-Joseph H. Boutros peut être rapproché de celui du photographe Monsieur Bonheur. Bien que leurs pratiques artistiques soient différentes, les deux artistes portent une attention particulière au quotidien. Monsieur Bonheur de son vrai nom Marvin Bonheur prend en photo la banlieue parisienne et ses rencontres. À travers son travail, il souhaite donner une autre image aux villes des banlieues parisiennes dans lesquelles il a grandi (Aulnay-Sous-Bois, Bondy). Au même titre que Charbel-Joseph H. Boutros qui lui aussi utilise des éléments de son quotidien pour la réalisation de ses œuvres.
Alves Miguel
Wauquier Nao