Après discussion avec Carole Brulard, il a été plus facile pour nous de comprendre les enjeux d’une telle installation. Il est tout d’abord important de noter que parce que le vivant est aussi synonyme de fragilité et d’éphémérité les quelques 400 criquets n’étaient plus qu’une dizaine lors de notre visite (novembre), ce qui a à la fois modifié notre comportement (déambulation moins hésitante, vigilance décrue), mais en disait aussi beaucoup sur le facteur “hasard” d’une exposition avec des éléments vivants. L’exposition est évolutive et de plusieurs manières, contrôlée à différents degrés.
Pour le cas des criquets, ce n’était pas intentionnel, le centre d’art a dû faire face à des éléments qu’ils ne pouvaient que partiellement contrôler, la chute de température, la taille de l’espace d’exposition, et évidemment l’intervention humaine. Même avec de nombreuses précautions prises (augmentation du chauffage, lente chauffantes, partenariat avec des producteurs locaux des Halles à côté pour l’alimentation, l’installation de rideaux pour délimiter leur espace) le caractère aléatoire de l’installation s’en est trouvé impacté.
Cependant d’autres aspects du vivant on eût été une belle surprise pour l’artiste, le public et le lieu d’exposition. Comme les pièces en alginates moulées sur des algues, qui ont pu montrer une évolution (moisissure) due à l’humidité du matériau moulé et les conditions d’exposition. Il est donc possible d’observer pour les personnes ayant vu ces pièces en début d’exposition et enfin une différence notoire. Ce caractère évolutif montre l’impossibilité qu’à l’homme à contrôler l’ensemble du vivant qui l’entoure et permet un « renouvellement » dans les installations présentées, sur une certaine temporalité.
Elvia Teoski n’est pas la seule artiste à avoir fait intervenir le vivant dans son exposition et certains artistes se sont plongés dans cette dimension parfois beaucoup plus frontalement. Exposer le vivant veut aussi dire intéractif, il y a un lien étroit entre le public et l’œuvre et/ou artiste. Et cette interaction entre êtres vivants est aussi synonyme de hasards, ressentis particuliers. Abraham Pointcheval adepte des performances dont il fait partie intégrante a dû faire face au public pour la première fois lors de son installation “Oeuf” au Palais de Tokyo (2017). L’objectif est de faire éclore des œufs de poule en les couvant à 37° durant toute la période de couvaison. C’est peu commun qu’un artiste soit confronté au public à la manière d’une oeuvre, intouchable, sans possibilité d’intéraction (parole) directe. L’artiste a exprimé son malaise quant au fait de se retrouver autant exposé (enfermé dans une boîte en plexiglass) “Avant, je faisais corps, j’étais à l’intérieur des choses. Là, c’est une véritable transformation, je suis à l’extérieur, je suis celui qui entoure.”. Mais quelle réaction du public quand on floute la frontière de l’exposition en exposant le vivant Humain ?